Le budget mise gros sur les mesures de santé et de logement abordable : Notre analyse du budget fédéral de 2024

Canadian Economics

By: CBoC Economics Team

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Points saillants

  • Avec seulement 18 mois restants au mandat de ce gouvernement, le Budget 2024 prend la forme d’un document préélectoral. Les mesures politiques deviennent de plus en plus populistes, coûteuses et visent le court terme, tandis que la facture est repoussée dans le futur.
  • Le budget aborde de nombreuses initiatives clés que le gouvernement fédéral a préalablement exposées, et bon nombre de ces dispositions devraient aider le pays à relever certains de ses défis les plus difficiles, mais à en aggraver d’autres dans le processus. Le gouvernement tente de corriger les erreurs politiques passées en matière d’offre de logements, et il va jusqu’au bout de nombreuses autres promesses dans les domaines des soins de santé, des prestations d’invalidité et de la garde d’enfants.
  • Mais la réalité fiscale est préoccupante, et la dette plus élevée pourrait créer de nouveaux défis pour les jeunes générations canadiennes. L’accent mis sur les dépenses pourrait ralentir considérablement le rythme de réduction des taux d’intérêt que les Canadiens attendent désespérément. De plus, réduire la compétitivité fiscale des entreprises du pays à un moment où il cherche l’innovation et l’investissement pourrait s’avérer contre-productif.

Impôts : Un Voyage sur la Route des Revenus

Le gouvernement a pris un virage majeur vers l’augmentation des recettes de 21,9 G$ nets sur cinq ans. Il a choisi d’apporter un grand changement au régime des gains en capital. Bien que cela concerne une tranche assez étroite de contribuables, cela a de grandes implications pour les futures décisions d’investissement potentielles. Le gouvernement tente d’isoler la charge fiscale des entreprises canadiennes, mais, ce faisant, il crée de nouveaux seuils et de nouvelles règles qui rendront l’impôt plus complexe.

Les nouvelles mesures augmenteraient le taux d’inclusion des gains en capital de 50 % à 66,7 % pour les sociétés. Pour les particuliers, le taux d’inclusion resterait à 50 % sur les premiers $250 000 de gains et passerait à 66,7 % par la suite. En compensation de l’impact potentiellement négatif sur les start-ups et les petites sociétés, il y aura un nouvel incitatif pour les entrepreneurs canadiens où le taux d’inclusion ne sera que de 33,3 %. Comment ces entreprises seront définies à des fins fiscales reste à déterminer, mais les règles sont susceptibles d’être complexes et controversées en raison des enjeux élevés. De plus, les exemptions fiscales à vie sur les gains en capital seront augmentées et indexées sur l’inflation. Le traitement des gains en capital sur les résidences principales reste inchangé.

Le budget présente cette mesure comme un moyen de rendre le système fiscal plus progressif. Mais comme pour tout ce qui concerne l’investissement corporatif, les effets sur l’économie sont complexes. Tout changement majeur dans les règles fiscales des sociétés ajoute à l’incertitude en matière de planification et refroidit les intentions d’investissement des entreprises. À un moment où le Canada a désespérément besoin d’améliorer sa capacité productive, la mesure est susceptible d’avoir des effets négatifs se propageant largement dans l’économie.

D’autres mesures fiscales sont de moindre envergure. Les droits d’accise sur le tabac et les produits de vapotage augmentent de 1,7 G$ sur cinq ans. Il y a également quelques changements administratifs en matière de fiscalité à venir, notamment une aide accrue à la déclaration fiscale automatique pour les personnes à faible revenu, et de petits changements aux règles de l’Allocation canadienne pour enfants en cas de décès d’un enfant. Dans l’ensemble, au cours des cinq prochaines années, le Budget 2024 prévoit collecter annuellement entre 14 et 19 G$ de plus en recettes que ce qui avait été projeté dans le Budget 2023. (Voir le Graphique 1.

Graphique 1

La progression des recettes et des dépenses

(milliards de dollars)

Graphique linéaire montrant les projections de recettes et de dépenses à moyen terme du budget fédéral de 2024, ainsi que les projections précédentes de 2023.

Source : Le Conference Board du Canada ; Finances Canada.

Dépense : À la hausse

Le logement, les soins de santé et la défense dominent les plans de dépenses, qui augmentent d’environ 30 G$ par an par rapport aux projections du Budget 2023. L’accessibilité au logement pourrait être la « question clé » lors des élections fédérales de l’année prochaine et retient toute l’attention du gouvernement. Ils ont proposé une série de mesures qui n’auront pas toutes l’effet escompté, soit parce qu’elles alimentent davantage la demande, soit parce qu’elles se heurtent à des conflits de compétences entre les provinces et les municipalités.

Le budget de cette année s’appuie sur les mesures introduites l’année dernière, notamment une interdiction de deux ans des achats de biens immobiliers résidentiels par des non-Canadiens, une taxe d’un % par an sur les logements sous-utilisés, la taxation des résidences principales détenues depuis moins de 12 mois et un fond d’accélération du logement” de 4 G$ offrant aux villes de l’argent fédéral pour aider à la construction résidentielle en échange de modifications des règles et procédures locales.

Le gouvernement a ensuite renforcé les incitations à la construction de logements locatifs avec une série de mesures de prêts et de réduction de la TPS. Les nouvelles mesures de cette année commencent par le Plan de terres publiques pour les maisons, selon lequel le gouvernement propose de s’associer à des promoteurs pour construire des maisons sur des terres fédérales louées. Il espère que le plan produira 250 000 nouveaux logements abordables. Le gouvernement envisage également de taxer les terrains vacants.

Un Fonds d’Infrastructure du Logement du Canada de 6 G$ financera les travaux d’adduction d’eau et les infrastructures de gestion des déchets solides. Le premier milliard permettra aux municipalités de couvrir les besoins immédiats, tandis que les 5 G$ restants sont destinés à plus long terme. Les provinces doivent finaliser les accords d’ici le 1er janvier 2025 et les territoires d’ici le 1er avril 2025. L’accord exige des municipalités qu’elles augmentent la densité et, pour celles ayant une population de plus de 300 000 habitants, qu’elles gèlent les frais de développement.

Un catalogue de conception de Logements de 11,5 M$ établira les plans de 50 maisons standard. Cela permettra de « pré-approuver » les conceptions de logements et d’accélérer la construction. Le Fonds de technologie et d’innovation pour la construction de logements offre 50 $M pour adopter de nouveaux matériaux et méthodes de construction de logements. 50 $M supplémentaires soutiendront les projets de construction de logements utilisant déjà de telles techniques. Diverses mesures plus petites formeront davantage de travailleurs qualifiés nationaux et reconnaîtront les qualifications des travailleurs étrangers.

Ces initiatives du côté de l’offre sont confrontées à des défis clairs. Les obstacles économiques commencent par des périodes de construction relativement longues (souvent deux ans pour les appartements), des habitudes de construction fixes (en raison du grand nombre de petites entreprises dans le secteur) et diverses contraintes de capacité de l’industrie du logement. Toutefois, ces obstacles se heurtent à des estimations importantes des besoins en logements. Même si le Canada augmentait de 50 % les mises en chantier moyennes de la dernière décennie, fournir les 3,5 millions de logements largement cités comme objectif prendrait 10 ans.

Sur le plan politique, ces idées de renforcement de l’offre nécessitent également la coopération des provinces. Certaines ont été mécontentes de l’incursion perçue dans les compétences provinciales. Certaines résistent à la densité plus élevée requise, d’autres à la dépense de l’argent fédéral sur leur territoire. Les provinces et les municipalités doivent néanmoins partager la responsabilité d’accroître l’offre de logements.

Dans l’ensemble, le chemin vers une offre accrue semble semé d’embûches. Ces idées pourraient éventuellement aider à améliorer l’accessibilité, mais pas immédiatement.

La charte canadienne des droits des locataires est une mesure du côté de la demande, mais à petite échelle. Parmi les mesures supplémentaires du côté de la demande, citons le prolongement de la période d’amortissement hypothécaire de 25 à 30 ans pour les primo-accédants achetant de nouveaux logements et l’augmentation du plafond de retrait des REER dans le cadre du Régime d’accession à la propriété de 35 000 à 60 000 dollars. Cependant, les avantages seront limités en raison des effets néfastes sur l’épargne-retraite et des énormes coûts d’intérêt associés aux amortissements à long terme.

Le gouvernement fédéral propose également de prolonger l’interdiction des acheteurs étrangers jusqu’en 2027. Son impact est peu probable d’être important. Les deux provinces les plus chères du Canada, l’Ontario et la Colombie-Britannique, ont déjà de telles mesures.

Un Coup de Pouce

L’assurance médicaments est un élément de haute importance pour ce gouvernement. Il a déjà introduit une législation pour aider les Canadiens à se procurer les médicaments nécessaires. Un nouveau financement fédéral viendra compléter les dépenses provinciales et territoriales existantes en matière de médicaments publics. Le budget 2024 alloue 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-25, à Santé Canada pour lancer un Plan national d’assurance médicaments.

La loi sur la Prestation canadienne d’invalidité a établi le cadre légal d’une prestation directe pour les personnes handicapées à faible revenu en âge de travailler. Le budget propose un financement de 6,1 G$ sur six ans, à compter de 2024-25, et de 1,4 G$ par an par la suite pour une nouvelle Prestation canadienne d’invalidité.

Le gouvernement propose également de dépenser 6,9 G$ pour la recherche et le développement. Cela comprend environ 2,4 G$ pour soutenir l’adoption sûre et responsable de l’intelligence artificielle (IA) et 3,5 G$ pour la recherche scientifique et technique générale et pour développer de nouveaux scientifiques canadiens.

Veiller sur les Enfants

Une promesse électorale de 2021 de financer un nouveau programme national de repas scolaires est réalisée dans le Budget 2024. En complément des programmes alimentaires scolaires existants, le gouvernement fédéral dépensera 1 $G sur cinq ans pour fournir des repas à 400 000 enfants supplémentaires chaque année. En collaboration avec les provinces, les territoires et les partenaires autochtones, le gouvernement fédéral espère mettre en place le programme pour l’année scolaire 2024-2025.

Pour aider les Canadiens à avoir un meilleur accès aux options de garde d’enfants, un trio de mesures centrées sur la garde d’enfants a été dévoilé dans les annonces prébudgétaires de 2024. Le lancement du nouveau programme de prêts pour l’expansion de la garde d’enfants offre 1 $G de prêts à faible coût ainsi que 60 $M supplémentaires de subventions non remboursables pour les fournisseurs de garde d’enfants publics et à but non lucratif pour développer de nouveaux espaces et rénover les centres de garde d’enfants actuels. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des efforts du programme national de garderie visant à créer 250 000 nouveaux espaces à 10 dollars par jour à travers le pays d’ici mars 2026. À ce jour, le programme n’a créé que moins de la moitié des espaces ciblés depuis 2021.

Le gouvernement a également prévu des fonds pour la formation et l’annulation de prêts étudiants pour les éducateurs de la petite enfance travaillant dans les régions rurales ou éloignées. Semblable au programme fédéral offert aux médecins et infirmières ruraux, cette initiative vise à attirer plus d’éducateurs de la petite enfance vers des zones canadiennes plus petites et sous-desservies.

Aide à renforcer les capacités

Le budget accorde une importance et un financement substantiels pour répondre aux besoins des peuples autochtones, avec plus de 9 G$ prévus pour de nouvelles dépenses au cours des cinq prochaines années. De ce montant, environ 3,3 G$ sont dédiés à l’amélioration de l’éducation et au renforcement des services de santé et sociaux pour les enfants autochtones, tandis que 3,8 G$ sont dirigés vers l’amélioration du logement en réserve, des services de santé et de la sécurité alimentaire. De plus, des fonds supplémentaires sont désignés pour divers programmes visant à soutenir l’autonomie gouvernementale, la police, la préparation aux urgences et l’aide au revenu en réserve.

Le budget propose également de rendre disponibles jusqu’à 5 G$ de garanties de prêts pour des projets de ressources naturelles et d’énergie aux communautés autochtones. Cette initiative vise à offrir aux candidats retenus un accès à des capitaux abordables et à stimuler les opportunités économiques.

Défensif en Défense

Étant donné le nombre de lignes de fracture géopolitiques dans le monde, le budget 2024 a engagé des dépenses supplémentaires nettes de 73,0 G$ sur les deux prochaines décennies, mais seulement 8 G$ au cours des cinq prochaines années.

La lente progression vers l’objectif de 2 % pourrait susciter des critiques de nombreux alliés du Canada. Beaucoup d’alliés de l’OTAN ont augmenté leurs dépenses militaires pour atteindre l’objectif, l’alliance s’attendant maintenant à ce que 18 des 31 membres atteignent l’objectif en 2024. Le Canada, en revanche, devrait dépenser seulement 1,4 % du PIB cette année, parmi les plus bas de tous les membres de l’OTAN, et la contribution n’atteindra que 1,76 % du PIB en année fiscale 2029-30, encore bien en dessous de l’objectif de l’OTAN.

Modeste Austérité dans la Fonction publique

Selon Statistique Canada, l’emploi dans la fonction publique fédérale (y compris la défense) a augmenté de près de 30 % depuis 2018, ajoutant près de 89 000 postes à la masse salariale. Le budget a introduit des mesures visant à réduire le nombre d’équivalents temps plein fédéraux de 5 000 par attrition, avec environ 4,2 G$ d’économies cumulatives sur quatre ans à partir de 2025-26, et 1,3 G$ par an par la suite. De plus, le gouvernement fédéral prévoit de vendre des locaux excédentaires et de les convertir en logements pour étudiants et à but non lucratif.

Équilibre hors de Vue et hors de l’Esprit

Le dernier budget du gouvernement fédéral s’est tenu aux trois objectifs qu’ils avaient fixés dans l’Énoncé économique de l’automne : maintenir le solde budgétaire pour l’exercice fiscal le plus récent en dessous de 40,1 G$ (il s’est établi à 40,0 G$), abaisser le ratio de la dette nette au PIB cette année fiscale (il baissera de 0,2 point de pourcentage) et maintenir les déficits annuels en dessous de 1 % du PIB à compter de 2026-27 (il sera de 0,9 % cette année-là, mais au-dessus de 1 % en 2024-25 et 2025-26). Cela signifie que la mission est accomplie, mais cela a nécessité une certaine créativité dans l’élaboration des politiques et un important trainage du concept d’ancrage fiscal.

Pour atteindre leurs objectifs, le gouvernement a dû augmenter les impôts à hauteur de 21,9 G$ au cours des cinq prochaines années. Le résultat net est que le gouvernement prévoit une augmentation des recettes de 7,0 % cette année par rapport à l’année dernière, et une croissance moyenne de 4,2 % par an au cours des quatre prochaines années. Le budget souligne qu’en comparaison avec l’Énoncé économique de l’automne, le gouvernement prévoit des recettes supérieures de 45,3 G$ entre 2023-24 et 2028-29.

Même avec une image des recettes turbo-boostée, le gouvernement ne parviendra pas à équilibrer les livres. Il prévoit que le déficit dépassera les 20 G$ annuellement pour l’ensemble de la période de prévision, avec un déficit cumulatif de 196,3 G$ entre 2023-24 et 2028-29, près de 10 G$ de plus que le déficit cumulatif projeté dans l’Énoncé économique de l’automne de 186 G$ sur la même période. La différence est due à 39,2 G$ de nouvelles dépenses de programme.

Dans l’ensemble, les perspectives budgétaires du budget font peu pour mettre les finances du gouvernement fédéral sur une voie durable à long terme. Le déficit budgétaire en ratio du PIB tombera à 0,7 % d’ici 2028-29, tendant à la baisse tout au long de la période de planification. Le ratio de la dette nette au PIB passera de 42,1 % en 2023-24 à 39,0 % en 2028-29. Cependant, ce qui est le plus préoccupant, c’est que le plan de surplus n’est nulle part en vue. Alors que le budget vante le soutien à la jeune génération du Canada, le résultat est un alourdissement du fardeau de la dette publique pour les jeunes Canadiens.

Un Contexte Économique Faible

Dans le Budget 2024, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel est projetée à un rythme plus lent, passant de 1,1 % en 2023 à 0,7 % en 2024, avant de rebondir à 1,9 % en 2025. Pour le reste de la période de projection, la croissance du PIB réel devrait atteindre en moyenne 2,1 %.

Les perspectives économiques utilisées pour le Budget 2024 sont conformes à nos prévisions économiques. La croissance du PIB réel pour 2024 a été révisée à la hausse depuis l’Énoncé économique de l’automne de 2023, mais revue à la baisse en 2025 et dans les années suivantes. Selon le Budget 2024, les taux d’intérêt toujours élevés continueront à peser sur l’économie canadienne et entraîneront une croissance du PIB réel inférieure au potentiel au cours des prochains trimestres, avant de voir une reprise régulière vers une croissance plus élevée.

Les Risques de Stimulus

Le Budget 2024 embrasse audacieusement le stimulus économique, avec une injection de près de 12 G$ dans l’économie pour l’exercice fiscal en cours. Cependant, cette approche proactive contredit la stratégie actuelle de la Banque du Canada, qui consiste à maintenir des taux d’intérêt élevés pour supprimer l’activité économique. Malgré la panoplie de programmes visant à accroître l’accessibilité au logement, l’impact immédiat pourrait être limité. De plus, la perspective de taux d’intérêt élevés prolongés pourrait aggraver la pression sur certains ménages.

La mise en œuvre de nouvelles mesures fiscales, bien que visant à améliorer l’équité, entraîne un retrait significatif de près de 22 G$ de l’économie au cours des cinq prochaines années. De plus, l’introduction de mesures fiscales ciblées supplémentaires et de crédits ajoute de la complexité au système fiscal. Malheureusement, ces changements sont susceptibles de freiner l’investissement privé, un domaine dans lequel le Canada est déjà à la traîne par rapport à d’autres juridictions. Cette stagnation de l’investissement privé constitue une menace pour notre prospérité à long terme.

Analyses du budget 2024

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