L’économie fait déraper les finances : Notre analyse du budget du Québec 2024

Canadian Economics

By: CBoC Economics Team

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Points saillants

  • La situation fiscale du Québec est troublée par le ralentissement économique actuel et la faible croissance économique prévue sur l’horizon de planification.
  • Le gouvernement prévoit des déficits beaucoup plus importants que dans son budget précédent. Le déficit pour 2023-24 est révisé à la hausse à $6,3 milliards, et des déficits de $11,0 milliards et $8,5 milliards sont prévus au cours des deux années suivantes.
  • Une préoccupation notable découle du manque de détails pour atteindre l’équilibre fiscal, jetant le doute sur le plan de la province pour revenir à l’équilibre.
  • La province a alloué des fonds supplémentaires à la santé et aux services sociaux ainsi qu’à l’éducation, mais ces montants sont réduits par la suite, le gouvernement espérant ralentir les dépenses grâce à des gains d’efficacité.

Pont vers nulle part

Le budget de la province montre à quel point les plans fiscaux sont sensibles à la performance économique. Le déficit cumulatif des exercices 23-24 à l’exercice 28-29 devrait s’élever à $37,8 milliards, bien plus élevé que l’image généralement optimiste peinte à cette époque l’année dernière.

En vertu de la Loi sur l’équilibre budgétaire, le déficit cumulatif du Québec de $37,8 milliards se compose de $13,9 milliards de contributions au Fonds des générations, de $7,5 milliards de réserves de contingence, d’un contrebalancement de $6 milliards prévus pour le rapprochement entre les recettes et les dépenses, et le reste constitue un déficit opérationnel.

Ce qui est le plus inquiétant dans le dernier budget de la province, c’est le manque de détails sur son plan éventuel vers l’équilibre. Le “fossé de $6 milliards à combler pour atteindre l’équilibre fiscal dans les opérations” est accompagné de peu de détails. Par conséquent, ce budget obscurcit l’image de la position fiscale du Québec et montre qu’il y a beaucoup de travail à faire pour la province au cours des prochaines années afin de revenir à une trajectoire fiscale durable qui favorise l’objectif du gouvernement en matière d’égalité intergénérationnelle.

Ordonnance pour les soins de santé

Les dépenses en santé et services sociaux ont connu une hausse notable, passant de $41,8 milliards en 2018-2019 à $63,9 milliards en 2024-2025, représentant un taux de croissance annuel moyen de 7,3 %. La hausse des dépenses de santé peut être attribuée à une forte croissance démographique, à l’inflation et aux effets durables de la COVID-19.

L’accord du gouvernement avec le Front commun, les syndicats du secteur public du Québec représentant principalement les travailleurs de la santé et de l’éducation, entraînera des augmentations de salaire dépassant l’inflation au cours des prochaines années, l’accord devant prendre fin en 2027-28. Pour faire face aux défis posés par le vieillissement de la population et l’augmentation de la demande de services, le gouvernement travaille à réformer le système de santé dans l’espoir d’améliorer l’accès aux soins et services tout en réduisant considérablement la croissance future des dépenses globales. La création de Santé Québec en 2024 vise à décentraliser la prise de décision et à réduire la bureaucratie, ce qui conduit à un système de santé plus efficace et réactif.

Compter sur la croissance future

Malgré un déficit plus élevé que prévu, le ratio de la dette au PIB de la province devrait augmenter seulement au cours des deux prochaines années, en raison d’une économie plus lente, avant de diminuer à nouveau après que la croissance économique pèse contre un déficit en baisse.

Bien que la province s’engage à réduire le fardeau de la dette nette par rapport au PIB à 30 % d’ici l’exercice 2037-38, cela sera difficile étant donné que son budget de l’année dernière prévoyait que le fardeau de la dette nette par rapport au PIB serait de 35,8 % d’ici l’exercice 2027-28, notablement plus bas que ce qui est prévu dans ce budget. Cela signifie que le mouvement vers son objectif de dette nette par rapport au PIB devra provenir d’une économie nettement plus forte et d’un engagement à restaurer l’équilibre plus tôt que tard.

Un chemin plus sombre vers un avenir plus brillant

Dans l’ensemble, les principaux indicateurs du budget peignent un tableau plus difficile pour les finances du Québec. Il y a eu une détérioration significative de l’équilibre de la province sur l’horizon de prévision. La province reste engagée dans la réalisation de nombreux de ses objectifs visant à atteindre un excédent en termes de Loi sur l’équilibre budgétaire, mais le chemin pour y parvenir nécessite de revenir à la planche à dessin.

Bien que l’engagement soit clair, les détails du plan pour y parvenir le sont moins. Le budget est accompagné de l’espoir de trouver plus de revenus et inclut explicitement $6 milliards dans un pont pour aider à aligner les recettes et les dépenses, ce qui va à l’encontre du déficit, mais n’est pas explicitement défini. Il y a un peu de marge de manœuvre dans la planification via $1,5 milliard chaque année en contingences.

Le gouvernement n’a pas modifié de manière significative les montants alloués au Fonds des générations, avec environ $2,2 milliards engagés au cours des deux prochaines années, augmentant à $2,7 milliards d’ici 2027-28. Le Fonds des générations est un fonds dédié où les excédents budgétaires, les recettes de la vente d’actifs et d’autres recettes exceptionnelles sont déposés. Son objectif est de réduire le fardeau de la dette du Québec à long terme en générant des rendements pouvant être utilisés pour rembourser la dette. Le défi est que les dépôts dans le fonds sont actuellement effectués avec des déficits plus importants, ce qui ajoute à la dette de la province.

Trouver assez de centimes pour faire un dollar

Le budget est également accompagné d’une dépense de $1,9 milliard pour aider à stimuler la prospérité en augmentant le potentiel économique grâce au soutien du développement de secteurs clés, à l’augmentation de la main-d’œuvre et à l’augmentation de la productivité dans l’industrie de la construction.

Dans le cadre de l’examen, le gouvernement cherche à réaligner les dépenses et les recettes en tant que part du PIB. Le budget souligne qu’une des raisons de la nouvelle rupture est la diminution d’un point de pourcentage des impôts pour les deux tranches d’imposition les plus basses.

Retourner chaque pierre

La province cherche des moyens d’être plus efficace, avec l’espoir d’augmenter les recettes de $2,9 milliards en réalignant son système fiscal et en améliorant les efforts de collecte des recettes.

En plus de l’amélioration ciblée des efforts de collecte des impôts, la province s’apprête à effectuer un examen complet de ses mesures fiscales et de ses dépenses budgétaires, et les résultats de cet examen seront présentés avec le budget de l’année prochaine.

Le plus grand effort est un réalignement de l’aide fiscale aux entreprises, en abolissant les crédits d’impôt pour la rétention des travailleurs, en aidant à soutenir la production cinématographique et télévisuelle québécoise, et en recentrant les crédits d’impôt sur les TI vers des emplois mieux rémunérés. Ces changements devraient réduire le coût de l’aide fiscale de $1,0 milliard entre les exercices 24-25 et 28-29.

Le gouvernement provincial demande également plus d’efficacité de diverses entreprises gouvernementales dans l’espoir de trouver $1,0 milliard d’économies sur la période budgétaire. La province cherche également à obtenir $300 millions supplémentaire sur cinq ans en recettes de taxes sur le tabac.

Enfin, la province fournira $96,5 millions supplémentaires sur cinq ans pour renforcer la collecte des impôts et lutter contre la criminalité économique, ce qui devrait rapporter $660 millions de revenus supplémentaires.

Affronter les dures réalités économiques

Le dernier budget du Québec reflète les réalités d’une croissance économique plus faible dans un environnement de politique monétaire restrictive. L’économie a lutté en 2023 alors que les taux d’intérêt plus élevés ont progressivement pris effet. L’économie a également dû faire face à des incendies de forêt extrêmes et à des actions industrielles du secteur public à grande échelle qui ont nui à la production dans les secteurs touchés.

Pour l’avenir, le gouvernement prévoit une croissance de 0,6 % en 2024, une perspective de croissance légèrement plus forte que notre propre projection de 0,3 %. La croissance devrait s’accélérer au second semestre de l’année, sous réserve de baisses de taux d’intérêt. À mesure qu’un certain élan se construit, la croissance devrait atteindre 1,6 % en 2025, en dessous de la moyenne nationale et correspondant étroitement à notre propre projection de 1,7 %.

Bien que les pressions inflationnistes s’atténuent, plusieurs points de friction subsistent, notamment les prix des services et du logement. Sur le plan mondial, la performance de l’économie américaine et l’impact de la montée des tensions géopolitiques ajoutent une incertitude supplémentaire aux perspectives d’inflation.

Le marché du travail du Québec se rééquilibre après une période d’extrême tension à la suite de la pandémie. Au cours des deux prochaines années, le gouvernement prévoit qu’une combinaison d’une demande de main-d’œuvre plus faible et d’une croissance de la population active moins forte pèsera sur la création d’emplois. Bien que cela exerce une certaine pression à la hausse sur le taux de chômage, une croissance limitée de la population active maintiendra des conditions relativement serrées sur le marché du travail.

Les taux d’intérêt sont le principal moteur des perspectives pour plusieurs catégories de dépenses clés. Une forte croissance démographique et des économies élevées ont soutenu la demande de biens et services en 2023. Cependant, la croissance des dépenses des ménages ralentira en 2024 alors que les consommateurs réduiront certaines dépenses discrétionnaires et navigueront à travers des coûts de service de la dette plus élevés.

Pendant ce temps, l’investissement résidentiel, qui a diminué de 17,8 % en 2023, se stabilisera en affichant une croissance de 0,4 % en 2024. Cependant, le nombre de mises en chantier de logements devrait rester inférieur à la moyenne décennale d’avant la pandémie, limitant l’offre et l’accessibilité. Le gouvernement est optimiste quant aux perspectives de croissance à court terme de l’investissement non résidentiel, en soulignant le début de grands projets dans le secteur minier et des batteries, ainsi qu’une amélioration de la confiance des entreprises.

Malgré le ralentissement de la croissance économique et la baisse de l’inflation, la valeur nominale de la production du Québec devrait quand même augmenter de 4,0 % en 2024 et de 3,8 % en 2025. Cela indique une base fiscale croissante et est un signe positif pour les recettes gouvernementales.

En résumé

Les perspectives financières du Québec ont été ébranlées en raison de mauvaises performances économiques. La province poursuit des gains d’efficacité ambitieux et des mesures de revenus pour réaligner son équilibre fiscal. C’est une proposition risquée.

Graphique 1

Un nouveau portrait fiscal

(Solde budgétaire avant les dépôts au Fonds des générations, en milliards de dollars)

Graphique en barres montrant la projection du déficit du budget 2023 au budget 2024, avec une augmentation du déficit pendant cette période

Source : Finances Québec
Alt text: Graphique en barres montrant la projection du déficit du budget 2023 au budget 2024, avec une augmentation du déficit pendant cette période.

Analyses du budget 2024

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