Productivité du travail

Messages clés

  • L’Alberta conserve son B à l’indicateur de la productivité du travail, mais passe de la 3e à la 6e place du classement, tandis que Terre-Neuve-et-Labrador passe de B à C et recule du 9e au 11e rang.
  • Sept provinces se voient attribuer un D ou un D– par rapport aux pays de comparaison, ce qui révèle une faiblesse des entreprises au niveau de la poursuite et l’exécution de stratégies et d’activités relatives à l’innovation.
  • Malgré une croissance plus marquée de la productivité du travail au Canada et dans la plupart des provinces au cours des cinq dernières années, et une faiblesse croissance aux États-Unis, l’écart dans ce domaine avec ce pays et d’autres plus performants demeure important.

Quel est le lien entre productivité et innovation?

La productivité est le principal déterminant du niveau de vie à long terme. Elle est essentielle à la compétitivité des entreprises et au bien-être économique et social. De plus, comme elle mesure l’efficacité à convertir des intrants (p. ex. personnes, technologie, procédés) en extrants utiles dans la production, le marketing ou la fourniture de biens et de services, elle constitue un indicateur indirect de la performance en matière d’innovation. Si on veut utiliser autant ou moins d’intrants pour produire des extrants en plus grande quantité et de meilleure qualité, il faut améliorer les procédés, adopter et utiliser la technologie et/ou mettre au point de nouveaux produits et services de plus grande valeur, ou encore les améliorer. Bref, la productivité du travail dépend dans une large mesure de l’innovation.

L’innovation n’est certes pas le seul moteur de l’augmentation de la productivité. Par exemple, les prix mondiaux de certains produits et services, en particulier ceux liés aux ressources, influent sur le PIB et, par conséquent, sur la productivité.

Cependant, le lien entre productivité et innovation est essentiel. Plus les organisations peuvent tirer de la même quantité d’intrants ou d’une quantité moindre, plus elles deviennent compétitives et plus elles sont à même de survivre et de prospérer au fil du temps. De même, plus les économies et les sociétés peuvent tirer de la même quantité d’intrants ou d’une quantité moindre, plus elles sont en mesure d’enregistrer une croissance économique, d’améliorer le niveau de vie et de réduire l’incidence de la production économique sur l’environnement.

Comment mesure-t-on la productivité du travail?

La productivité du travail se mesure en PIB par heure travaillée — autrement dit, en production moyenne d’un travailleur par heure de travail. Elle traduit l’efficacité des gens à produire des biens et des services en utilisant des machines, de l’équipement ou d’autres éléments dans le processus de production. Pour permettre des comparaisons internationales, la productivité du travail est calculée en PIB par heure travaillée en dollars américains, en parités de pouvoir d’achat et aux prix de 2010.

Comment les provinces s’en sortent-elles par rapport aux pays de comparaison?

La plupart des provinces obtiennent de mauvais résultats sur le plan de la productivité du travail par rapport aux pays de comparaison.  

Par rapport au précédent bilan comparatif, l’Alberta (62,15 USD/heure) conserve son B, mais passe de la 3e à la 6e place. Terre-Neuve-et-Labrador (56,94 USD/heure) passe de B à C et recule de la 9e à la 11e place. Seule la Saskatchewan (57,34 USD/heure) améliore son classement relatif, passant de la 16e à la 10e place, mais elle ne décroche cependant qu’un C. Si ces trois provinces s’en sortent un peu mieux que les autres, c’est en partie en raison de leur économie riche en ressources et à forte intensité de capital. Bien que les cours mondiaux du pétrole et du gaz n’aient pas retrouvé leurs sommets passés, ils continuent de jouer un rôle important au niveau des résultats relatifs à la productivité du travail dans ces provinces.

Cinq provinces ayant une productivité du travail inférieure ou égale à la moyenne canadienne décrochent un D : la Colombie-Britannique (49,25 USD), l’Ontario (47,44 USD), le Manitoba (43,19 USD), le Québec (42,90 USD) et le Nouveau-Brunswick (39,81 USD). Le Nouveau-Brunswick passe de D– à D en doublant le pays de comparaison le plus faible, le Japon (39,50 USD). Les autres provinces, soit la Nouvelle-Écosse (38,75 USD) et l’Île-du-Prince-Édouard (36,55 USD), se voient attribuer un D– et se classent derrière le pays de comparaison le plus mal classé.

Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?

L’Alberta est la province la mieux classée, suivie de Terre-Neuve-et-Labrador. Avec une productivité horaire du travail supérieure à 62 USD, l’Alberta conserve son B, tandis que la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador décrochent un C.

À l’exception de la Colombie-Britannique qui dépasse légèrement la moyenne canadienne, la productivité du travail dans les autres provinces est inférieure à cette moyenne et elles obtiennent un D (Colombie-Britannique, Ontario, Manitoba, Québec, et Nouveau-Brunswick) ou un D– (Nouvelle-Écosse et Île-du-Prince-Édouard).


La performance provinciale a-t-elle évolué au fil du temps?

De 2010 à 2015, la productivité du travail a augmenté dans toutes les provinces, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador, où elle a baissé en moyenne de 1,4 % par année. Dans toutes les autres provinces à l’est de l’Ontario, l’Ontario compris, elle a augmenté, mais moins que la moyenne de tous les pays de comparaison.

Le Manitoba (1,42 %), la Saskatchewan (1,33 %), l’Alberta (1,03 %) et la Colombie-Britannique (1,96 %) ont tous vu leur productivité du travail augmenter davantage que le taux annuel moyen international de 0,94 % de 2010 à 2015. Seules l’Irlande (6,04 %) et l’Australie (1,73 %) ont mieux fait que les quatre provinces de l’Ouest. 

Bien que le Canada ait du mal à suivre les pays de comparaison, surtout les États-Unis, depuis quelques décennies, les toutes dernières années donnent un brin d’espoir. L’augmentation moyenne annuelle de la productivité du travail au Canada était de 1 % de 2010 à 2015, ce qui dépasse le taux de croissance international de 0,94 % et le taux américain de 0,32 %. Cependant, l’écart absolu entre le Canada et les États-Unis demeure. En 2015, la productivité du travail s’établissait à 62,89 USD par heure travaillée aux États-Unis, contre seulement 48,56 USD au Canada.

Quelle est l’ampleur du retard des provinces?

Une faible productivité indique une faible innovation et pose un problème pour la prospérité économique et le bien-être social futurs de la plupart des provinces. En 2015, la productivité du travail de 48,56 USD de l’heure au Canada n’équivalait qu’à 77 % de celle des États-Unis (62,89 USD) et à 62 % de celle de la Norvège (78,70 USD). Chez les provinces, ce pourcentage était de 99 % pour l’Alberta et de 58 % pour l’Île-du-Prince-Édouard. La productivité du travail de l’Alberta équivalait à 79 % de celle de la Norvège, première au classement, alors que ce taux était de 46 % pour l’Île-du-Prince-Édouard.


Pire encore, ces pourcentages ont diminué avec le temps dans presque toutes les provinces. En 1997, la productivité du travail de l’Alberta (49,40 USD) était supérieure de 17 % à celle des États-Unis (42,40 USD), mais en 2013, ils étaient à égalité, la productivité américaine augmentant davantage et de manière plus constante. Entre 1997 et 2013, l’Ontario a fortement reculé par rapport aux États-Unis – de 83 à 73 % de la productivité américaine –, tout comme le Québec – de 78 à 69 %. Terre-Neuve-et-Labrador a vu sa productivité par rapport à celle des États-Unis passer de 84 % en 1997 à 102 % en 2007. Mais depuis, elle est retombée à 89 %, soit seulement 4,6 points de pourcentage de plus qu’en 1997.

Malgré un consensus sur la nécessité d’une amélioration de la productivité canadienne, l’écart avec les États-Unis se creuse dans la plupart des provinces et ne se resserre pas. Cela donne à penser que la plupart des provinces se laissent tout bonnement distancer par les États-Unis et d’autres pays de comparaison sur le plan de l’innovation et d’autres mesures nécessaires pour améliorer la productivité.

Qu’est-ce qui alimente la croissance de la productivité?

L’augmentation de la productivité résulte de nombreux facteurs, même si l’innovation y joue un rôle central. Le Conference Board du Canada a tracé le diagramme ci-dessous pour montrer les principaux moteurs de la productivité du travail.

Au sommet de la pyramide se trouvent les facteurs particuliers aux entreprises — le capital humain, le capital physique (investissement), ainsi que l’innovation et l’évolution technologique dans une organisation donnée. De manière générale, tous les facteurs particuliers à l’entreprise sont associés à l’innovation (p. ex. modification des procédés, technologie et amélioration de produits et services) ou à la capacité d’innovation (p. ex. connaissances, compétences et ressources dont disposent les entreprises et les personnes pour exploiter et appliquer des idées, des technologies, des méthodes de gestion et des procédés nouveaux ou améliorés).

La couche intermédiaire correspond au climat d’affaires et aux politiques dans lesquels se conjuguent les facteurs particuliers aux entreprises. Par exemple, si une organisation évolue dans un milieu très compétitif, ce milieu peut avoir une incidence indirecte sur la productivité grâce à ses effets sur les variables particulières à l’entreprise. De manière générale, ces facteurs se rapportent à l’écosystème de l’innovation — autrement dit, les politiques, les règlements, le financement, les services de soutien et autres éléments qui favorisent ou freinent l’innovation.

Le bas de la pyramide correspond à la dynamique de l’économie mondiale. Le Canada peut influer sur certains éléments de cette dynamique, comme la libéralisation des échanges. En revanche, aucun pays n’a vraiment de prise sur d’autres éléments, comme les cours mondiaux des produits de base.

Que peuvent faire les provinces pour améliorer leur productivité?

Il n’existe pas de solution miracle pour améliorer la productivité. Étant donné le nombre et la complexité des facteurs déterminants de sa croissance, des approches multidimensionnelles s’imposent. En outre, certains facteurs échappent tout simplement au contrôle des décideurs et de l’industrie. Cependant, les entreprises peuvent améliorer leur productivité en investissant dans des machines et de l’équipement, ainsi qu’en innovant sur le plan des procédés et de la technologie. Les décideurs peuvent aider en rendant le climat d’affaires plus propice aux entrepreneurs et en améliorant la capacité d’innover avec succès au niveau individuel et dans les organisations.

Capital humain

La plupart des provinces s’en sortent assez bien en ce qui concerne le capital humain. Par rapport à leurs homologues des pays de comparaison, les travailleurs canadiens sont très instruits et qualifiés. On peut encore faire mieux en ce qui concerne les compétences en littératie et en numératie des adultes, ainsi que sur le plan des investissements dans la formation en milieu de travail, mais la qualité globale de la population active canadienne ne semble pas être la cause de la faiblesse de la productivité. Cependant, pour ne pas se laisser dépasser par les pays de comparaison, il faudra des efforts continus pour former les générations futures de Canadiens, développer leurs compétences et les utiliser.

Investissement

Pour ce qui est de l’intensité de capital (la quantité de capital dont dispose chaque travailleur, en particulier les machines et l’équipement), les résultats des provinces sont mitigés. L’intensité de capital est évidemment plus forte dans les provinces riches en ressources naturelles. Le stock de capital par travailleur est supérieur à la moyenne nationale en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador, et l’intensité de capital en Alberta et en Saskatchewan est supérieure à celle des États-Unis. Mais sept provinces, dont les deux plus grandes, soit l’Ontario et le Québec, continuent d’accuser un retard en matière d’intensité de capital.

Le fait d’investir dans la machinerie et l’équipement (M-É) — en particulier dans la technologie de l’information et des communications (TIC) — permet d’adopter et de diffuser les toutes dernières technologies, ce qui stimule la productivité. Nous savons que les pays qui investissent dans les M-É enregistrent généralement des gains de productivité plus importants. L’investissement canadien dans la M-É en pourcentage du PIB est parmi les plus faibles des pays de comparaison. Quant à l’investissement dans les TIC en particulier, le Canada décroche un C et se classe 12e sur 15 pays de comparaison.

Les provinces riches en ressources — l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador — investissent plus dans la M-É par travailleur. Toutefois, la plupart des provinces — y compris celles riches en ressources — ont des taux d’investissement dans les TIC particulièrement faibles, la plupart obtenant un C ou un D par rapport aux pays de comparaison. Les politiques qui peuvent aider à encourager l’investissement et, partant, à améliorer la productivité comprennent :

  • accorder des crédits d’impôt à l’investissement ;
  • réduire le fardeau réglementaire ;
  • fournir l’appui d’experts pour l’adoption et la mise en œuvre des TIC dans les entreprises.

Dernièrement, le Conference Board a examiné ces questions en profondeur — en particulier, les difficultés auxquelles font face les petites et moyennes entreprises relativement à l’adoption des TIC — et il a élaboré un guide de planification et d’action pour aider les PME à s’y retrouver dans l’évolution technologique et à la gérer.

Climat d’affaires

Le retard de productivité du Canada et des provinces peut également résulter d’une baisse durable des taux d’entrée d’entreprises et des taux de sortie, et d’une affectation connexe inefficace de maigres ressources à l’innovation et à l’amélioration de la productivité. Bien que des taux de sortie d’entreprises élevés soient préoccupants s’ils touchent des entreprises qui font face à un climat hostile à l’innovation et à la croissance, un certain roulement des entreprises est une bonne chose. Comme le souligne l’OCDE, « les économies doivent tirer le meilleur parti de ressources rares en permettant à la main-d’œuvre, au capital et aux compétences d’aller vers les entreprises les plus productives1 ». Or, cela se produit notamment par la sortie du marché d’entreprises défaillantes et l’arrivée de nouvelles entreprises dynamiques. Lorsque les entreprises moins productives quittent le marché, les ressources (p. ex. la main-d’œuvre, le capital et les compétences) dont elles avaient le contrôle sont libérées pour d’autres entreprises peut-être plus productives.

Depuis plus de deux décennies, toutefois, les taux d’entrée et de sortie d’entreprises baissent au Canada, ce qui laisse supposer que la main-d’œuvre et le capital ne circulent pas aussi facilement vers des entreprises plus dynamiques que par le passé. Les taux d’entrée d’entreprises sont passés d’un sommet de 24,5 % (en pourcentage des entreprises actives) en 1983-1984 à 13,3 % en 2014. De même, les taux de sortie d’entreprises ont baissé de près de 5 % (passant de 16,5 % en 1983-1984 à 11,9 % en 2014), alors qu’ils avaient atteint 19,1 % en 1990. Bien que l’ampleur de la baisse varie, les taux d’entrée et de sortie d’entreprises ont baissé dans toutes les provinces depuis 2002, première année pour laquelle on dispose de données.

Pour améliorer la productivité au vu de ce phénomène, les provinces devraient envisager des politiques aidant à mieux réaffecter les ressources, c’est-à-dire à les faire passer d’entreprises stagnantes à des entreprises dynamiques présentant un plus grand potentiel d’innovation et de productivité. Entre autres mesures, on pourrait ouvrir davantage les marchés à la concurrence, réduire les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre et voir si les lois en matière de faillite pénalisent trop l’échec et empêchent donc une meilleure affectation des ressources2. Parallèlement, les provinces voudront s’assurer que les travailleurs ont suffisamment de possibilités d’améliorer leur formation et leurs compétences, et qu’ils peuvent compter sur des filets de sécurité sociale bien conçus pour réduire au minimum les perturbations créées par l’entrée et la sortie d’entreprises.

Notes de bas de page

1    M. A. McGowan, D. Andrews, C. Criscuolo et G. Nicoletti. The Future of Productivity, Paris, OCDE, 2015, p. 3.

2    Ibid., p. 14.