Croissance de l’emploi

Messages clés

  • Sept provinces reçoivent un D ou un D- pour ce qui est de la croissance de l’emploi, essuyant globalement des pertes d’emplois en 2016.
  • La Colombie-Britannique est la province qui se classe le mieux à ce chapitre avec une croissance de l’emploi de 3,2 % en 2016, décrochant un A et arrivant en première place ex aequo avec le Danemark.
  • La note C et le 13e rang récoltés par le Canada dans le classement des 16 pays comparables traduisent bien à quel point le choc des prix des matières premières a lourdement affecté l’économie du pays.

La croissance de l’emploi mise en contexte

Les performances du Canada examine non seulement le taux de chômage des provinces, mais aussi leur taux de croissance de l’emploi. Ces deux indicateurs semblent être les deux faces d’une même médaille, mais le taux de croissance de l’emploi mesure quelque chose de légèrement différent du taux de chômage.

On calcule le taux de chômage à partir de deux autres indicateurs économiques : le nombre total de personnes qui veulent travailler et qui cherchent un emploi, mais n’en ont pas, divisé par le nombre total de personnes qui font partie de la population active. Le taux de chômage est un raccourci utile pour évaluer la performance économique globale, mais il camoufle certains aspects du portrait de l’emploi. Essentiellement, il ne dresse le portrait de l’emploi que chez les personnes à la recherche d’un travail. Dans un pays comme le Japon, où les femmes sont moins susceptibles d’intégrer le marché du travail, le résultat peut être un taux de chômage exceptionnellement bas même en l’absence d’un nombre important d’emplois créés.

La décision des individus d’intégrer ou de quitter la population active nous renseigne sur l’état de l’économie, car les gens sont moins enclins à chercher du travail quand l’économie va très mal. Mais la décision de participer au marché du travail est également affectée par d’autres considérations, comme la planification familiale, les choix de mode de vie et les normes culturelles. Par conséquent, les économistes souhaitent souvent examiner aussi la croissance brute de l’emploi, car il s’agit d’une mesure plus directe de la performance de l’économie en matière de création d’emplois.

Les pays développés affichent une faible croissance de l’emploi depuis la fin de la récession de 2008-2009. L’histoire nous apprend que la reprise économique met plus de temps à s’amorcer après une crise financière qu’après d’autres types de crises (p. ex. une crise budgétaire ou un choc pétrolier) pour plusieurs raisons. Dans la foulée de la crise financière, les banques limitent l’expansion du crédit afin d’essayer de redresser leur bilan. Parallèlement, les ménages – qui réagissent à la faiblesse du marché du travail – reportent leurs dépenses pour réduire leur endettement. Pour leur part, les gouvernements restreignent les leurs afin de résorber le déficit financier qui s’est creusé sous l’effet des stimulants financiers mis en œuvre pour relancer l’activité économique pendant la récession.

Ces dernières années, ces tendances générales ont été présentes à divers degrés dans les pays avancés. Fort heureusement, les séquelles de la crise financière se sont amenuisées, de sorte que la croissance de l’emploi a progressé dans les pays développés au cours des dernières années.

Où se situe le Canada par rapport aux pays comparables?

Dans le dernier rapport sur Les performances du Canada, qui a analysé les données sur la croissance de l’emploi pour 2013, le Canada s’est classé en 2e position parmi le groupe des pays comparés, n’étant devancé que par l’Irlande. Depuis, le Canada a reculé à ce chapitre : la croissance de l’emploi enregistrée par le pays a été de seulement 0,7 % en 2016. Dans le bilan comparatif de cette année, le Canada a ainsi obtenu un C pour sa croissance de l’emploi en 2016, se situant au 4e rang des pays comparés les moins performants à ce chapitre et ne dépassant que la France, la Finlande et la Norvège.

La performance économique du Canada a été l’une des meilleures au monde dans les années qui ont suivi la crise financière. Après 2009, le Canada a connu quatre années de forte croissance de l’emploi, soit de 1,4 % en moyenne, tandis que les pays de comparaison affichaient une croissance moyenne de l’emploi de 0,4 %. Mais la chute des prix des matières premières qui s’est amorcée en 2014 a lourdement pesé sur l’économie canadienne, tandis que les pays comparables commençaient à montrer des signes d’amélioration. Depuis 2014, la croissance annuelle de l’emploi au Canada n’a été que de 0,7 % en moyenne, alors que celle des pays comparés s’est établie à 1,2 % en moyenne.

Comment s’en sortent les provinces par rapport aux pays de comparaison?

Seules trois provinces ont connu une croissance positive de l’emploi en 2016 : la Colombie-Britannique – qui obtient un A pour une croissance de l’emploi de 3,2 % –, et l’Ontario et le Québec – qui obtiennent des C pour leur croissance respective de 1,1 et 0,9 %. La Colombie-Britannique et le Danemark (3,2 %) se situent à égalité en première place, avant l’Allemagne (2,9). Les taux de croissance de l’emploi de l’Ontario et du Québec, quant à eux, sont comparables à ceux de pays comme le Japon (1,0) et la Belgique (0,8).

L’emploi a diminué dans les quatre provinces de l’Atlantique et dans les trois provinces des Prairies. Le Nouveau-Brunswick reçoit un D, se classant tout juste devant le pays de comparaison situé en fin de classement, la Norvège, où l’emploi a diminué de 0,1 % en 2016. Les six autres provinces – soit le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard – écopent d’un D–, affichant le pire rendement à cet égard parmi toutes les régions de comparaison.

Où se situent les provinces les unes par rapport aux autres?

Après avoir été en tête pendant de nombreuses années en matière de croissance de l’emploi, l’Alberta et la Saskatchewan ont vu leur économie être durement frappée par l’effondrement des prix des produits de base. Comme ces deux provinces sont tombées en récession, leurs marchés du travail ont été fortement ébranlés. L’Alberta a perdu 37 000 emplois en 2016, tandis que la Saskatchewan supprimait 5 000 emplois.

En pourcentage de l’emploi total, cependant, aucune de ces provinces n’a enregistré le pire rendement en 2016 : cette palme douteuse est plutôt attribuée à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É), où l’emploi a reculé de 2,3 %. Pendant plusieurs années, le Canada atlantique a traversé une période passablement douloureuse sur le plan de l’emploi et la situation n’a pas changé en 2016. Depuis le dernier bilan comparatif sur Les performances du Canada, qui portait sur les données de 2013, le taux de croissance de l’emploi de l’Î.-P.-É. a chuté de 1,5 à –2,3 %, celui du Nouveau-Brunswick, de 0,4 à –0,1 % et celui de Terre-Neuve-et-Labrador, de 0,8 à –1,5 %. Dans la région, seule la Nouvelle-Écosse a connu une croissance de l’emploi plus forte en 2016 qu’en 2013, bien que sa progression de –1,1 % à –0,4 % signifie simplement qu’elle perd des emplois à un rythme plus lent qu’auparavant.

Étant donné la taille des économies de l’Ontario et du Québec, même une faible croissance de l’emploi dans ces deux provinces se traduit par la création de nombreux emplois. En 2016, il s’est créé 76 000 emplois en Ontario (croissance de l’emploi de 1,1 %) et 36 000 au Québec (croissance de 0,9 %). Si la chute des prix des matières premières nuit aux économies fondées sur les ressources comme celles de l’Ouest canadien et de Terre-Neuve-et-Labrador, elle profite en revanche aux économies manufacturières et de services du centre du Canada, qui utilisent les produits de base comme intrants pour leurs biens et services. Lorsque les cours mondiaux des produits de base sont faibles, ce ne sont plus les économies fondées sur les ressources qui agissent comme les moteurs de la croissance économique du Canada.

En 2016, la croissance de l’emploi en Colombie-Britannique (3,2 %) a été largement supérieure à celle du reste du pays. Bien que sa population soit équivalente au tiers de celle de l’Ontario, la Colombie-Britannique a généré en 2016 le même nombre d’emplois que la province canadienne la plus peuplée, soit 73 000 nouveaux postes.

Pourquoi la Colombie-Britannique occupe-t-elle un rang si élevé?

Quelle est la source de la forte croissance de l’emploi en Colombie-Britannique pour 2016, étant donné que cette année a été désastreuse pour la plupart des régions du pays, en particulier les provinces riches en ressources qui arrivent généralement en tête du classement? L’économie britanno-colombienne repose également sur les ressources naturelles, mais les ressources provinciales qui sont majoritairement exportées sont des produits forestiers, produits dont les cours n’ont pas reculé autant que ceux des métaux et des produits énergétiques. Et bien que la Colombie-Britannique produise du pétrole et du gaz, ces ressources constituent une part beaucoup plus faible de l’économie provinciale que dans les provinces voisines de l’Alberta ou de la Saskatchewan, de sorte que la baisse des prix du pétrole s’est avérée un avantage pour la province plutôt qu’un inconvénient.

En 2016, la Colombie-Britannique a connu un essor – ou plutôt une surchauffe, selon certains – du marché de l’habitation, qui a stimulé le secteur de la construction. Elle a également profité de la forte demande de ses produits forestiers en provenance des États-Unis, qui connaît également un boom immobilier. Cependant, à l’été 2016, le gouvernement britanno-colombien et l’administration municipale de Vancouver ont pris des mesures en vue de calmer le secteur du logement, imposant une taxe foncière aux acheteurs étrangers et une taxe sur les maisons inhabitées. Ces politiques ont déjà eu un effet. Les Britanno-Colombiens ne devraient donc pas s’attendre à une croissance de l’emploi provinciale aussi importante en 2017, en raison du ralentissement du marché du logement intérieur ainsi que de l’adoption éventuelle de mesures protectionnistes par la nouvelle administration Trump.

À quel point la croissance de l’emploi et le taux de chômage sont-ils liés au Canada?

Comme indiqué ci-dessus, le taux de croissance de l’emploi constitue une mesure légèrement différente du taux de chômage, ce qui explique pourquoi les économistes souhaitent examiner ces deux mesures. Mais à quelle fréquence divergent-elles, en pratique? La hausse de l’emploi n’est-elle pas toujours associée à une baisse du taux de chômage?

La plupart du temps, les deux vont de pair. Sur les sept provinces qui ont connu une baisse de l’emploi en 2016, cinq ont enregistré une augmentation du taux de chômage, et les trois provinces qui ont connu une croissance de l’emploi ont également affiché une baisse de leur taux de chômage.

Cependant, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont connu une diminution à la fois de l’emploi et du taux de chômage. En Nouvelle-Écosse, l’emploi a reculé de 0,4 % en 2016, mais le taux de chômage est passé de 8,6 à 8,3 %; au Nouveau-Brunswick, l’emploi a diminué de 0,1 %, mais le taux de chômage est tombé de 9,8 % à 9,5 %. Dans ces cas, la baisse du taux de chômage est liée au vieillissement de la population et au nombre croissant de travailleurs qui quittent le marché du travail.

D’autre part, l’inverse peut également se produire. Une économie dans laquelle les perspectives d’emploi s’améliorent peut amener des travailleurs précédemment découragés à réintégrer le marché du travail, dans l’espoir de se trouver un emploi. Une population active en pleine expansion peut exercer une pression à la hausse sur le taux de chômage, même si l’économie génère de nouveaux emplois. C’est ce qui s’est passé en Colombie-Britannique en 2015, lorsque l’emploi a progressé de 1,2 %, mais le taux de chômage a quand même augmenté de 6,1 % à 6,2 %. Lorsque les taux d’emploi et de chômage sont tous deux en hausse, c’est habituellement le signe que les gens ont suffisamment confiance dans les tendances économiques pour se joindre en grand nombre à la population active.

Quels sont les résultats des territoires en matière de croissance de l’emploi?

Les territoires obtiennent tous de bons résultats à cet indicateur. Le Nunavut décroche un A+, avec une croissance de l’emploi plus élevée que le pays de comparaison le plus performant à ce chapitre, le Danemark. En 2016, l’emploi au Nunavut a connu une croissance fulgurante de 6,3 %. Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, qui enregistraient une croissance négative de l’emploi en 2015, ont beaucoup mieux fait en 2016 : le Yukon a affiché une croissance de l’emploi de 4,1 % en 2016, se voyant attribuer un A+, tandis que celle des Territoires du Nord-Ouest a été de 2,7 %, ce qui lui vaut un A.

Comme les économies des territoires dépendent fortement de l’extraction des ressources, la chute des prix des produits de base s’y traduira par une détérioration des marchés du travail à court terme. Au Yukon en particulier, l’année 2017 sera pénible en raison des fermetures de mines. Les prévisions sont plus encourageantes pour le Nunavut, où plusieurs projets miniers contribueront à la croissance de l’emploi. Les Territoires du Nord-Ouest se situent entre leurs deux voisins en termes de perspectives d’avenir, la fermeture de la mine de diamants Snap Lake neutralisant la hausse de la production dans d’autres mines.

Nous n’incluons pas les territoires dans nos calculs aux fins des comparaisons provinciales et internationales, car les données ne sont pas disponibles pour tous les indicateurs faisant partie des six catégories principales du bilan comparatif. Le Conference Board entend toutefois intégrer les territoires dans son analyse et réalise des bilans comparatifs distincts pour les territoires quand les données sont disponibles, comme pour la croissance de la productivité du travail.

Le Conference Board publie deux fois par an un rapport intitulé Territorial Outlook dans lequel il examine la conjoncture économique et financière de chaque territoire, notamment les résultats par industrie, la situation du marché du travail et la composition démographique. Le Territorial Outlook est disponible en ligne à e-Library et, pour nos clients abonnés, à e-Data.

Le Centre pour le Nord, créé en 2009 par le Conference Board du Canada, mène également des recherches sur des questions concernant les territoires.

Quels facteurs pourraient influencer la croissance future de l’emploi au Canada?

Les principales fluctuations annuelles d’une économie en matière de croissance de l’emploi peuvent être attribuables à des événements imprévisibles, comme un effondrement des cours mondiaux des produits de base, qui obligent les employeurs à embaucher ou à licencier un nombre considérable de travailleurs. Mais la plupart des emplois d’une économie sont reportés d’année en année, ce qui fait en sorte que les tendances et les projets d’envergure sont souvent prévisibles des années à l’avance.

Les provinces ayant obtenu de médiocres résultats dans ce bilan comparatif devraient sans doute connaître une amélioration. En Alberta et en Saskatchewan, le redressement des cours du pétrole par rapport à ses creux récemment atteints pourrait contribuer à stimuler l’embauche. Le gouvernement américain a récemment approuvé le projet d’oléoduc Keystone XL, qui aidera à alléger les contraintes de capacité des pipelines auxquels font face les exploitants de sables bitumineux. Cela pourrait également contribuer à rapprocher les prix du Western Canada Select – le prix de référence du pétrole brut lourd de l’Ouest canadien – des niveaux que les acheteurs sont prêts à débourser pour d’autres mélanges réputés, comme le West Texas Intermediate. Ces facteurs pourraient encourager l’investissement et l’embauche dans le secteur énergétique. L’Alberta devrait également créer de nombreux emplois au cours des prochaines années dans le cadre de la reconstruction de Fort McMurray, à la suite des incendies de forêt survenus en 2016.

De même, certains projets à venir contribueront à revigorer l’emploi au Canada atlantique. La Nouvelle-Écosse profitera d’une hausse de l’emploi dans les chantiers navals, où on assistera à la construction d’une nouvelle flotte de navires de patrouille dans l’Arctique. Quant au Nouveau-Brunswick, il bénéficiera d’une vaste campagne de recrutement annoncée par le groupe Irving. L’Île-du-Prince-Édouard devrait, pour sa part, voir s’accélérer ses secteurs manufacturier et touristique.

Toutefois, les perspectives de Terre-Neuve-et-Labrador sont moins favorables. L’investissement des sociétés a dégringolé dans cette province, ce qui augure mal pour la création d’emplois des entreprises dans l’avenir. La province est également soumise à de nouvelles mesures d’austérité budgétaire, ce qui nuira au revenu disponible des ménages et, par conséquent, aux affaires des détaillants de biens de consommation. En outre, la construction de la plateforme pétrolière d’Hébron, qui a employé jusqu’à 3 000 travailleurs dans la province en 2016, est désormais terminée.

Le marché du logement de la Colombie-Britannique a montré des signes de ralentissement à la suite des mesures énergiques prises par le gouvernement pour refroidir ce secteur surchauffé. Ce geste sera profitable aux familles qui souhaitent avoir les moyens de vivre dans la province, mais il freinera la croissance économique. Le gouvernement de l’Ontario a pris des mesures similaires, annonçant récemment l’imposition d’une taxe de 15 % aux acheteurs étrangers dans la région élargie du Golden Horseshoe, qui s’étend de la municipalité régionale de Niagara à Peterborough. Cette taxe aura vraisemblablement des effets semblables dans le marché immobilier de l’Ontario.

Au cours des prochaines années, l’Ontario et le Québec devraient tous deux tirer avantage de la faiblesse du dollar canadien et de la forte demande des consommateurs américains.

Bien sûr, au moment d’écrire ces lignes, il existe encore un fort degré d’incertitude quant aux effets des politiques de l’administration Trump sur les relations commerciales du Canada et des États-Unis. Toute nouvelle barrière commerciale importante pourrait avoir des incidences fâcheuses pour les économies provinciales et la croissance de l’emploi au Canada.

À plus long terme, les marchés du travail canadiens seront confrontés au défi du vieillissement de la population. À mesure que les baby-boomers prendront leur retraite, les employeurs auront de nombreux postes à pourvoir à partir d’un bassin réduit de main-d’œuvre, alors que les taux de fécondité sont inférieurs au seuil de renouvellement des générations. Le système d’immigration aura un rôle croissant à jouer pour permettre aux employeurs canadiens d’avoir accès aux employés dont ils ont besoin.