L’écart salarial selon l’origine ethnique
Messages clés
- Au Canada, les membres d’une minorité visible qui sont nés au Canada et ont fait des études universitaires gagnent, en moyenne, 87,4 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche.
- C’est dans les provinces de l’Atlantique qu’on note les écarts de revenu les plus faibles entre les membres de minorités visibles et les Blancs; ils vont de 7,3 % en Nouvelle-Écosse à 12,9 % au Nouveau-Brunswick.
- Les disparités de revenu parmi les Canadiens de naissance d’appartenances ethniques différentes varient; en 2010, les Canadiens d’origine japonaise touchaient une rémunération supérieure de 3,7 % à celle de leurs pairs de race blanche, tandis que ceux d’origine latino-américaine gagnaient, en moyenne, 31,7 % de moins que leurs collègues blancs.
L’écart salarial selon l’origine ethnique mis en contexte
Le Canada est l’un des pays les plus diversifiés du monde sur le plan racial. En 2011, il comptait plus de 6,2 millions d’habitants déclarant faire partie d’un groupe minoritaire visible. Parmi eux, 30,9 % (plus de 1,9 million de personnes) étaient nés au Canada1.
En 2011, les trois plus grands groupes de minorités visibles au Canada étaient les Sud-Asiatiques, les Chinois et les Noirs.
Les Sud-Asiatiques (personnes ayant déclaré une ascendance ethnique indienne, pakistanaise ou sri-lankaise) représentaient 25 % de l’ensemble de la population des minorités visibles et 4,8 % de la population canadienne totale2. La proportion des Canadiens d’origine chinoise constituait plus de 21 % de la population globale des minorités visibles et 4 % de la population totale. Plus de 15 % de la totalité des membres des minorités visibles déclaraient être Noirs (d’ascendance ethnique pure ou mixte jamaïcaine, haïtienne, trinidadienne/tobagonienne, ou encore somalienne), soit 2,9 % de la population totale.
Même si le nombre de personnes d’origines raciales différentes au Canada s’accroît de façon stable, l’intégration socioéconomique complète et efficace de ces personnes continue d’être difficile dans bien des régions.
Il est important de trouver des façons de réduire l’écart de revenu qui touche les minorités visibles. En effet, cet écart contribue non seulement à la racialisation de la pauvreté, mais crée aussi des sentiments de marginalisation, de vulnérabilité et d’aliénation sociale au sein de la population active et des communautés de Canadiens victimes de racisme3.
Comment calcule-t-on l’écart salarial selon l’origine ethnique?
L’écart salarial selon l’origine ethnique est un pourcentage exprimant les disparités de salaire et de traitement médians à temps plein, sur une année complète, entre les membres de minorités visibles et les personnes de race blanche nés au Canada et diplômés de l’université. Nous calculons l’écart salarial chez les diplômés universitaires afin que les données que nous comparons concernent des personnes ayant atteint des niveaux de scolarité semblables. Les salaires et traitements désignent les salaires et traitements bruts avant que ne soient prélevés l’impôt sur le revenu, les cotisations à un régime de retraite, l’assurance-emploi, entre autres.
Comme les données qui ont servi à calculer l’écart salarial selon l’origine ethnique sont antérieures à celles utilisées pour d’autres indicateurs du bilan comparatif de la société, nous n’avons pas classé les provinces relativement à cet indicateur. Nous estimons, toutefois, qu’il est important de présenter des données sur l’écart salarial selon l’origine ethnique afin de comparer les disparités de revenu fondées sur l’origine raciale entre les provinces.
Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?
Au Canada, l’écart de salaire et de traitement médians à temps plein, sur une année complète, entre les membres de minorités visibles et les personnes de race blanche nés au Canada et diplômés de l’université s’établissait globalement en 2010 à 12,6 % : les salaires et traitements médians des Blancs nés au Canada et titulaires d’un diplôme universitaire s’élevaient à 70 196 $ contre 61 381 $ pour les membres de minorités visibles4.
C’est dans les provinces de l’Atlantique qu’on note les disparités salariales selon l’origine ethnique les plus faibles. Avec 7,3 %, la Nouvelle-Écosse affiche le plus petit écart salarial. L’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador suivent avec des écarts de 8,1 et 8,3 %, respectivement. L’écart salarial selon l’origine ethnique au Nouveau-Brunswick (12,9 %) est légèrement plus élevé que la moyenne canadienne.
Il convient de mentionner qu’à l’Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick, les membres de minorités visibles nés au Canada gagnent davantage que leurs pairs de race blanche. Il existe donc un écart salarial de 8,1 et de 12,9 % dans ces provinces, respectivement, mais il est en faveur des membres de minorités visibles titulaires d’un diplôme universitaire qui touchent un revenu.
L’Alberta affiche un écart salarial selon l’origine ethnique de 13,5 %. La Colombie-Britannique (13,6 %) et la Saskatchewan (13,7 %) se classent juste derrière, avec des écarts légèrement plus élevés. Au Manitoba, cet écart se situe à 15,0 %.
Les deux provinces les plus populeuses, l’Ontario et le Québec, se classent aux derniers rangs parmi les provinces canadiennes, affichant respectivement des écarts de 17,2 et de 19,7 %.
L’écart salarial selon l’origine ethnique varie-t-il en fonction du sexe?
En 2010, quatre provinces – l’Ontario, le Manitoba, l’Alberta et la Colombie-Britannique – enregistraient des écarts salariaux plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Quatre autres provinces – Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, le Québec et la Saskatchewan – affichaient des écarts supérieurs chez les femmes.
S’agissant des disparités salariales selon l’origine ethnique touchant les hommes, on constate que l’écart de revenu pour les hommes de minorités visibles allait de –136,5 % à Terre-Neuve-et-Labrador à 19,2 % en Ontario, la valeur négative signifiant que l’écart était en faveur des membres de minorités visibles nés au Canada. (On ne dispose pas de données concernant les hommes de minorités visibles nés au Canada à l’Île-du-Prince-Édouard.)
L’écart disproportionnellement élevé de salaire et de traitement médians à temps plein, sur une année complète, touchant les personnes de race blanche et les membres de minorités visibles nés au Canada à Terre-Neuve-et-Labrador est attribuable aux salaires et traitements médians élevés (179 781 $) que gagnent les hommes de minorités visibles dans la province, lesquels sont probablement dus aux hauts salaires versés par l’industrie pétrolière. La petit échantillon de minorités visibles (n = 135) dans la province peut aussi être un facteur.
Il y a peu de différences dans le classement relatif des provinces en ce qui a trait à l’écart salarial selon l’origine ethnique visant les hommes comparativement à l’ensemble de la population.
Par contre, il existe une différence notable dans le classement relatif de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve-et-Labrador et de l’Ontario en ce qui concerne l’écart salarial selon l’origine ethnique touchant les femmes :
- La Nouvelle-Écosse passe de la première à la 4e position, avec un écart de 11,19 %;
- Terre-Neuve-et-Labrador glisse du 3e au 8e rang, enregistrant un écart de 17,8 %;
- En Ontario, l’écart de 14,5 % propulse la province du 9e au 6e rang.
L’ascendance raciale a-t-elle une incidence sur l’écart salarial selon l’origine ethnique?
Les disparités salariales parmi les diplômés universitaires d’ascendances raciales différentes sont énormes.
Ainsi, en 2010, les Canadiens de naissance d’origine japonaise gagnaient, en moyenne, 3,7 % de plus que leurs pairs de race blanche. À l’autre extrême, les Canadiens de naissance d’origine latino-américaine touchaient une rémunération inférieure, en moyenne, de 31,7 % à celle des Blancs.
L’écart salarial est particulièrement prononcé parmi six groupes de minorités visibles. En effet, en 2010, les Canadiens titulaires d’un diplôme universitaire qui se déclaraient :
- Latino-Américains gagnaient environ 68,3 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche;
- Philippins gagnaient environ 79,5 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche;
- Noirs gagnaient environ 80,4 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche;
- membres de minorités visibles multiples gagnaient environ 81,1 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche;
- Asiatiques occidentaux (p. ex. les personnes qui se déclaraient d’origine afghane, iraquienne ou iranienne) gagnaient environ 82 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche;
- membres d’une minorité visible « non incluse ailleurs » (personnes qui ont répondu dans l’enquête être d’origine guyanaise, antillaise, tibétaine, polynésienne, etc.) gagnaient environ 82,4 cents contre un dollar pour leurs pairs de race blanche.
Les membres de minorités visibles nés au Canada font-ils l’objet de discrimination en matière d’emploi?
La discrimination en matière d’emploi pourrait contribuer à l’écart salarial selon l’origine ethnique.
D’après les résultats de l’Enquête sociale générale de 2014, les habitants de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, du Québec, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de l’Alberta membres de minorités visibles et nés au Canada croyaient avoir été victimes de discrimination au travail ou en présentant une demande d’emploi ou d’avancement5.
La proportion de participants à l’enquête étant membres des minorités visibles qui ont déclaré avoir été victimes de discrimination en matière d’emploi variait d’un minimum de 5,3 % en Colombie-Britannique à un sommet de 17,8 % en Alberta.
Aucun Canadien de naissance membre d’une minorité visible et résidant à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick ou en Saskatchewan n’a répondu avoir été victime de discrimination en raison de sa race ou de la couleur de sa peau, que ce soit au travail ou en présentant une demande d’emploi ou d’avancement.
Cette analyse repose sur des échantillons de petite taille6. Par conséquent, bien que les résultats semblent faire état d’un sentiment de discrimination en matière d’emploi éprouvé par des membres de minorités visibles nés au Canada et vivant dans certaines provinces, il faut prendre soin de ne pas surestimer l’importance de tels résultats.
Avoir un nom à consonance étrangère particulière peut également jouer contre les demandeurs d’emploi. Dans une étude datant de 2011, on a utilisé des curriculum vitæ au contenu identique mais portant des noms de candidat différents pour examiner les différences dans les taux de rappel après avoir postulé des emplois à Toronto, à Montréal et à Vancouver.
Les curriculums vitæ ont été créés de manière à « représenter de façon plausible des immigrants typiques qui venaient d’arriver […] de Chine et d’Inde (principaux pays d’origine des immigrants dans les trois villes), ainsi que des non-immigrants dont le nom avait une consonance étrangère ou pas7 » [traduction].
Il est ressorti de l’étude que lorsque le nom figurant sur le curriculum vitæ avait une consonance anglaise, les chances de rappel étaient de 35 % supérieures à celles d’un nom indien ou chinois8.
Le clivage racial est aussi perçu comme étant l’un des principaux facteurs associés à une réduction de la sécurité d’emploi, selon une étude de 2015 sur les caractéristiques de la pauvreté et de l’emploi dans la région du Grand Toronto-Hamilton fondée sur les réponses de 4 165 participants. Plus précisément, pour 20,9 % des membres de minorités visibles nés au Canada, la discrimination perçue est un obstacle à l’obtention et au maintien d’un emploi – 10,6 points de pourcentage de plus que leurs pairs n’appartenant pas à des groupes ethniques. L’étude a comparé la discrimination perçue parmi les membres des minorités visibles à des données de référence concernant les hommes Blancs nés au Canada, âgés de 35 à 44 ans, occupant un emploi précaire et touchant un revenu allant de 40 000 à 79 999 $9.
Que peuvent faire le Canada et les provinces pour réduire l’écart salarial selon l’origine ethnique?
Au Canada et dans les provinces, l’écart salarial selon l’origine ethnique n’est pas aussi prononcé que l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance. Les adultes nés au pays et en âge de travailler ne font pas face à bon nombre des obstacles à l’emploi qui touchent les immigrants reçus.
Par exemple, comme ils participent au système d’éducation canadien, les Canadiens de naissance n’ont pas les difficultés liées à la reconnaissance des qualifications et compétences acquises à l’étranger. Ainsi, les membres de minorités visibles nés au Canada ont moins de chances de devoir accepter un emploi qui ne correspond pas à leurs capacités et à leurs qualifications.
De la même manière, la participation au système d’éducation canadien aide à garantir une connaissance suffisante de l’anglais ou du français, ou des deux langues, sans laquelle les travailleurs s’exposent à des gains inférieurs et à des taux de chômage plus élevés11.
Cela dit, les obstacles à l’emploi et à la rémunération dus à la race existent bel et bien. Qui plus est, ils ont un profond impact sur la santé et le bien-être des Canadiens appartenant à des groupes ethniques et influent sur la nature de la pauvreté – c’est-à-dire qu’ils déterminent quels groupes sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté – au Canada12.
Bien qu’il existe des politiques fédérales et provinciales d’équité en matière d’emploi applicables dans les secteurs public et privé, les lois sur l’équité salariale qui visent à corriger l’écart salarial selon l’origine ethnique ne sont pas aussi répandues.
S’il est vrai que les politiques en matière d’équité salariale ont eu pour but, traditionnellement, d’éliminer les iniquités salariales entre les hommes et les femmes, leur portée pourrait être élargie pour inclure d’autres groupes visés comme les membres de minorités visibles, les Autochtones et les personnes handicapées. De plus, ces politiques pourraient :
- établir des mécanismes non discriminatoires d’évaluation des emplois;
- étendre l’équité salariale aux employés non syndiqués, ainsi qu’aux travailleurs temporaires et contractuels – catégories d’emploi dans lesquelles les groupes ethniques sont souvent surreprésentés13;
- adopter un modèle proactif d’équité salariale qui préciserait les étapes et les échéances à respecter pour instaurer et maintenir l’équité salariale dans les secteurs public et privé14.
Il est important de trouver des façons d’atténuer les disparités raciales et la discrimination continue auxquelles font face les minorités visibles sur le marché du travail, notamment en augmentant les niveaux d’emploi et de rémunération. L’élargissement de la portée des lois sur l’équité salariale est l’une des stratégies envisagées pour éliminer la discrimination salariale systémique qui touche des groupes déjà vulnérables et marginalisés et s’assurer que le principe de l’égalité de rémunération pour un travail égal s’applique à tous.
En outre, l’établissement de processus objectifs et transparents pour l’embauche, la rétroaction et la promotion des employés peut aider les membres des minorités visibles à avoir accès à des possibilités d’emploi, de rémunération et d’avancement équitables.
Notes de bas de page
1 Statistique Canada, Immigration et diversité ethnoculturelle au Canada.
2 Ibid.
3 Sheila Block et Grace-Edward Galabuzi, Canada’s Colour Coded Labour Market, Ottawa, Centre canadien de politiques alternatives, mars 2011.
4 Statistique Canada, tabulation personnalisée à partir de données tirées de l’Enquête nationale auprès des ménages 2011.
5 Statistique Canada, Enquête sociale générale, 2014.
6 Colombie-Britannique (n = 5), Ontario (n = 9), Québec (n = 4), Manitoba (n = 3), Nouvelle-Écosse (n = 4), Alberta (n = 8).
7 Philip Oreopoulos et Diane Dechief, Why Do Some Employers Prefer to Interview Matthew, but Not Samir?, Vancouver, Metropolis British Columbia Centre of Excellence for Research on Immigration and Diversity, septembre 2011, p. 19.
8 Ibid., p. 27.
9 Wayne Lewchuk et coll., The Precarity Penalty : How Insecure Employment Disadvantages Workers and Their Families, Hamilton, PEPSO, mai 2015.
10 Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, Littératie et marché du travail, Ottawa, Statistique Canada, 2008.
11 Sheila Block et Grace-Edward Galabuzi, Canada’s Colour Coded Labour Market, Ottawa, Centre canadien de politiques alternatives, mars 2011.
12 Ibid.
13 Comité spécial de la Chambre des communes sur l’équité salariale, Il est temps d’agir : Rapport du Comité spécial sur l’équité salariale, juin 2016.