L’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance

Messages clés

  • Les salaires horaires des immigrants reçus, ou résidents permanents, qui ont fait des études universitaires et vivent au Canada sont, en moyenne, inférieurs d’un cinquième à ceux de leurs homologues canadiens de naissance.
  • L’écart salarial entre les immigrants et le reste de la population varie d’une province à l’autre et va de 2,8 % en Nouvelle-Écosse à 39,4 % au Manitoba.
  • L’écart entre les salaires horaires médians des résidents permanents et des citoyens canadiens de naissance ayant fait des études universitaires ne cesse de se creuser depuis 2006 dans toutes les provinces canadiennes sauf trois, soit l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec.

L’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance mis en contexte

Le Canada a une forte proportion d’immigrants par rapport à d’autres pays de l’OCDE. En 2013, 20 % de la population canadienne était née à l’étranger, contre 13,1 % aux États-Unis et 12,3 % au Royaume-Uni1.

En 2015, le Canada a accueilli plus de 155 000 immigrants en âge de travailler (âgés de 15 à 64 ans)2. Cette population immigrante continue d’augmenter, mais « depuis 30 ans, la situation économique des nouveaux arrivants au Canada s’est considérablement détériorée par rapport à celle des Canadiens de naissance3 ».

Il est maintenant largement reconnu que, malgré leurs niveaux d’instruction élevés, les immigrants connaissent des taux de chômage supérieurs à ceux des travailleurs canadiens de naissance, de même que des salaires inférieurs. C’est inquiétant parce que les immigrants sont des moteurs importants de la croissance de la population active et de sa productivité.

Comme le Canada est de plus en plus confronté à la réalité d’une population vieillissante et des pénuries de main-d’œuvre et de compétences qui l’accompagnent, il faut, pour augmenter la productivité et la croissance économique du pays, trouver des solutions qui garantissent une participation pleine et entière des immigrants au marché du travail, et ce, sur un pied d’égalité. Les politiques qui contribuent à créer pour les immigrants de meilleurs emplois mieux payés les aident aussi à devenir plus productifs et plus actifs, ainsi qu’à mieux s’intégrer dans la société4.

Comment calcule-t-on l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance?

L’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance est la différence en pourcentage entre les salaires horaires médians des résidents permanents et des Canadiens de naissance ayant fait des études universitaires. Nous calculons l’écart salarial pour des personnes qui ont fait des études universitaires afin de comparer les données de personnes aux niveaux d’instruction similaires.

Notre analyse porte sur l’écart salarial entre les immigrants reçus, ou résidents permanents, et les Canadiens de naissance qui ont fait des études universitaires, mais il existe aussi des inégalités de revenu entre les immigrants qui ont fait des études secondaires ou moins et leurs homologues canadiens. Cependant, cet écart n’est généralement pas aussi marqué dans le temps que celui entre les résidents permanents et les Canadiens de naissance hautement qualifiés5.

Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?

Au Canada, la différence globale entre les salaires horaires médians des résidents permanents et des Canadiens de naissance ayant fait des études universitaires était de 20,6 % en 2014. Pour un revenu total médian des Canadiens de 32 790 $ par personne par an la même année, cela représente un écart de 6 738 $6.

Six provinces canadiennes font mieux que la moyenne nationale. La Nouvelle-Écosse est la province où l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance est le plus faible, soit 2,8 %, ce qui lui vaut un « A ». Avec un écart salarial de 10,8 %, Terre-Neuve-et-Labrador décroche également un « A ».

L’Ontario, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Colombie-Britannique obtiennent toutes un « B ». En Ontario, l’écart entre les salaires horaires médians des résidents permanents et des Canadiens de naissance ayant fait des études universitaires est de 14,3 %. Au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard, il est de 15,2 % et 16,7 %, respectivement. Quant à la Colombie-Britannique, elle fait un peu mieux que la moyenne nationale avec un écart salarial de 20,1 %.

L’Alberta, le Québec, la Saskatchewan et le Manitoba font tous pire que la moyenne nationale. L’Alberta (25,9 %) et le Québec (26,5 %) obtiennent un « C » à l’indicateur de l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance, tandis que la Saskatchewan (37,1 %) et le Manitoba (39,4 %) se voient attribuer un « D ».

Comment l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance évolue-t-il au fil du temps?

L’écart entre les salaires horaires médians des résidents permanents et des Canadiens de naissance ayant fait des études universitaires s’est creusé dans l’ensemble depuis 2006 pour atteindre 23,1 % en 2014, avant de retomber à 20,6 % en 2015.

Depuis 2006, cet écart salarial n’a cessé d’augmenter dans toutes les provinces canadiennes, sauf trois.

Dans certaines provinces, il a augmenté de manière exponentielle entre 2006 et 2015. En Saskatchewan, il s’est accentué de près de 30 points de pourcentage (passant de 8 à 37,1 %); au Manitoba, de plus de 20 points de pourcentage (passant de 19,3 à 39,4 %); et au Nouveau-Brunswick, de 19 points de pourcentage (passant de –3,8 à 15,2 %).

À Terre-Neuve-et-Labrador, on est passé d’un écart salarial entre immigrants et natifs de –20,1 % en 2006 – année où les salaires horaires médians des immigrants étaient sensiblement supérieurs à ceux des Canadiens de naissance –, à un écart de 10,8 % en 2015.

Bien que l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance se soit resserré entre 2006 et 2015 dans les trois provinces les plus peuplées, la situation ne s’est guère améliorée dans le pays en 10 ans. L’écart salarial a légèrement diminué en Colombie-Britannique (passant de 21 à 20,1 %) et au Québec (passant de 26,6 à 26,5 %). La majeure partie du temps, cet écart était au minimum de 20 % en Ontario entre 2006 et 2015, mais il s’est beaucoup resserré entre 2014 et 2015, passant de 20,2 à 14,3 %.

L’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance varie-t-il avec le sexe?

Oui. Au Canada, l’écart salarial entre immigrantes et Canadiennes de naissance (c.-à-d. entre leurs salaires horaires médians) est plus grand que l’écart salarial entre les hommes (23,2 % pour les femmes contre 19,2 % pour les hommes en 2015). En 2015, l’écart salarial entre immigrantes et Canadiennes de naissance était plus important dans sept provinces, soit Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique. Dans les trois autres – Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick et Québec –, l’écart est plus grand entre les salaires horaires médians des hommes que des femmes.

Quels facteurs influent sur l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance?

L’OCDE a identifié les principaux problèmes à régler pour réduire l’écart salarial entre les populations immigrées et canadiennes de naissance en âge de travailler : les compétences linguistiques, la reconnaissance des qualifications et des compétences étrangères, et la discrimination7.

Ces facteurs s’appliquent au Canada parce que les principaux pays d’origine de ses immigrants sont devenus des pays où il est moins probable qu’on parle anglais, que les immigrants sont plus susceptibles d’appartenir à des minorités visibles et que leurs titres universitaires et professionnels sont plus vraisemblablement différents des titres canadiens.

Des compétences linguistiques insuffisantes nuisent-elles aux immigrants en âge de travailler?

Il existe une corrélation étroite entre des compétences linguistiques insuffisantes et des résultats négatifs sur le marché du travail pour les populations immigrantes dans de nombreux pays de l’OCDE, quels que soient le niveau de qualification et le pays étranger où ont été obtenues les qualifications8.

Au Canada, « les différences de compétences linguistiques expliquent l’écart de salaire considérable entre les immigrants et les personnes nées au Canada9 ». Fait important, il est démontré qu’au Canada, des compétences linguistiques insuffisantes expliquent des gains inférieurs et un chômage plus élevé chez les immigrantes titulaires d’un diplôme universitaire10.

En fait, les études montrent que si les immigrants qui ont fait des études universitaires avaient les mêmes compétences en littératie que leurs homologues nés au Canada, l’écart salarial serait réduit de moitié chez les hommes et il disparaîtrait chez les femmes11.

Y a-t-il un problème de reconnaissance des titres de compétence étrangers au Canada?

En 2009, le Canada a mis en place son Cadre pancanadien d’évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger, qui énonce les directives et normes à appliquer dans l’ensemble des provinces pour plus d’uniformité, de transparence, d’équité et de rapidité dans l’évaluation de ces qualifications et des diplômes acquis à l’étranger12.

Malgré cela, la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger – c’est-à-dire les démarches pour « s’assurer que les connaissances, les compétences, l’expérience professionnelle et le niveau d’études acquis dans un autre pays sont comparables aux normes établies pour exercer une profession ou un métier au Canada13 » – reste compliquée pour les personnes qui émigrent au Canada.

Par exemple, avant de quitter leur pays, les immigrants ont souvent du mal « à obtenir des renseignements fiables sur les exigences réglementaires, les démarches en vue de l’obtention d’un permis d’exercice et les attentes du milieu du travail14 ». Une fois arrivés au Canada, ils se trouvent confrontés à un système complexe et souvent trop rigide qui ne leur laisse pas la possibilité de démontrer leurs qualifications.

De plus, les organismes de réglementation n’ont parfois pas les ressources financières ou humaines voulues pour « faire face aux complexités que représentent l’évaluation et la reconnaissance de qualifications professionnelles acquises à l’étranger15 ».

Comme beaucoup d’immigrants ont du mal à faire reconnaître leurs études, leurs compétences et leur expérience, ils finissent souvent par se contenter d’un emploi qui est en-deçà de leurs capacités ou qui ne correspond pas à leurs qualifications16.

En outre, les possibilités d’acquérir les compétences manquantes et d’obtenir les permis voulus sont limitées lorsque les immigrants ne répondent pas tout à fait aux exigences d’une profession donnée.

Les immigrants sont-ils exposés à une discrimination en matière d’emploi?

La discrimination au travail ou lorsqu’on postule un emploi ou une promotion constitue un obstacle à l’égalité de revenu pour les immigrants en âge de travailler.

En tout, 9 % des répondants qui se qualifient de résidents permanents déclarent faire l’objet de discrimination au travail ou lorsqu’ils postulent un emploi ou une promotion, d’après l’Enquête sociale générale de 201417. Globalement, cette perception quant à la discrimination en matière d’emploi touchait de 2,9 % des immigrants de l’Île-du-Prince-Édouard à 11 % d’entre eux en Alberta.

Avoir un nom à consonance étrangère peut également jouer contre les demandeurs d’emploi. Dans une étude datant de 2011, on a utilisé des curriculum vitæ au contenu identique mais portant des noms de candidat différents pour examiner les différences dans les taux de rappel après avoir postulé des emplois à Toronto, à Montréal et à Vancouver.

Les curriculums vitæ ont été créés de manière à « représenter de façon plausible des immigrants typiques qui venaient d’arriver […] de Chine et d’Inde (principaux pays d’origine des immigrants dans les trois villes), ainsi que des non-immigrants dont le nom avait une consonance étrangère ou pas18 » [traduction].

Il est ressorti de l’étude que lorsque le nom figurant sur le curriculum vitæ avait une consonance anglaise, les chances de rappel étaient de 35 % supérieures à celles d’un nom indien ou chinois19.

Que peuvent faire le Canada et les provinces pour réduire l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance?

Le revenu des immigrants vivant au Canada qui ont fait des études universitaires est en moyenne inférieur d’un cinquième à celui de leurs homologues canadiens de naissance.

Des programmes et des politiques ont été adoptés pour réduire l’écart de revenu entre les immigrants et les Canadiens de naissance qui ont fait des études universitaires.

Entre autres exemples d’initiatives fédérales, mentionnons le Centre d’information canadien sur les diplômes internationaux20, qui fournit aux particuliers et aux organisations des renseignements détaillés sur la reconnaissance des titres de compétence universitaires et professionnels. Le programme gouvernemental Entrée express21 sélectionne quant à lui des demandeurs de résidence permanente qualifiés en fonction de leur aptitude à participer à l’économie canadienne.

Quant aux initiatives provinciales, elles comprennent les programmes de formation relais22 proposés par le gouvernement de l’Ontario, qui aident des immigrants qualifiés, formés à l’étranger, à trouver rapidement leur place sur le marché du travail ontarien. En Colombie-Britannique, le Skills Connect for Immigrants Program23 aide les immigrants à trouver un emploi correspondant à leurs compétences et à leur expérience.

Ces programmes vont tous dans le bon sens, mais on peut faire mieux dans les domaines suivants :

  • Faire en sorte qu’au Canada, les immigrants aient suffisamment accès à des possibilités d’accroître leur connaissance de l’anglais et/ou du français pour améliorer leur participation au marché du travail et leur salaire.
  • Revoir et refondre les politiques d’évaluation et de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger et les programmes relais ciblés – p. ex. l’enseignement professionnel, les possibilités d’apprentissage, la formation – qui peuvent aider les immigrants à obtenir les permis et les certificats nécessaires dans une profession donnée.
  • Prendre des mesures concrètes pour créer des processus objectifs et transparents pour l’embauche d’immigrants, la rétroaction auprès de ces employés et leur promotion, afin de les aider à bénéficier de conditions de travail et de rémunération équitables, ainsi qu’à profiter de possibilités de promotion.

Notes de bas de page

1    OCDE, Personnes nées à l’étranger (consulté le 6 octobre 2016).

2    Calculs fondés sur le tableau CANSIM 051-0011 de Statistique Canada, Migrants internationaux, selon le groupe d’âge et le sexe, Canada, provinces et territoires (consulté le 6 octobre 2016).

3    Services économiques RBC, Situation des immigrants sur le marché du travail au Canada, décembre 2011, p. 2.

4    Kathryn H. Anderson, « Can Immigrants Ever Earn as Much as Native Workers? », IZA World of Labor, juin 2015.

5    Le Conference Board du Canada, Engaging and Integrating Skilled Immigrants into the Workplace,
Ottawa, Le Conference Board du Canada, septembre 2011.

6    Calculs fondés sur le tableau CANSIM 111-0008 de Statistique Canada, Revenu et démographie selon les quartiers, déclarants et dépendants ayant un revenu, selon le revenu total, le sexe et le groupe d’âge (consulté le 6 octobre 2016).

7    Programme de l’OCDE sur l’enseignement supérieur, The Labour Market Integration of Immigrants and Their Children, mars 2015.

8    Ibid.

9    Garnett Picot et Arthur Sweetman, Making It in Canada: Immigration Outcomes and Policies, Institut de recherche en politiques publiques, avril 2012, p. 8.

10    Aneta Bonikowska, David A. Green et W. Craig Riddell, Littératie et marché du travail, Ottawa, Statistique Canada, 2008.

11    Ibid.

12    Forum des ministres du marché du travail, Cadre pancanadien d’évaluation et de reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l’étranger, p. 1.

13    Ibid.

14    Ibid., p. 2.

15    Ibid.

16    Ibid.

17    Statistique Canada, Enquête sociale générale.

18    Philip Oreopoulos et Diane Dechief, Why Do Some Employers Prefer to Interview Matthew, but Not Samir?, Vancouver, Metropolis British Columbia Centre of Excellence for Research on Immigration and Diversity, septembre 2011, p. 19.

19    Ibid., p. 27.

20    Centre d’information canadien sur les diplômes internationaux, Comprendre le lien entre la mobilité et la reconnaissance des titres et diplômes.

21    Gouvernement du Canada, Immigrer à titre de travailleur qualifié dans le cadre d’Entrée express.

22    Gouvernement de l’Ontario, Exercez votre profession – Programmes de formation relais.

23    Gouvernement du Canada et province de la Colombie-Britannique, Skills Connect for Immigrants Program.