Croissance de la productivité du travail

Messages clés

  • Avec une croissance moyenne de la productivité du travail de 2,0 % de 2011 à 2015, la Colombie-Britannique se classe en tête des provinces canadiennes et décroche un A+.
  • Terre-Neuve-et-Labrador, la seule région de comparaison où la productivité du travail a diminué, écope d’un D−.
  • Dans l’ensemble, le Canada a affiché une forte croissance de la productivité du travail de 2011 à 2015; il obtient donc un B et se situe au 3e rang parmi les 16 pays comparés dans ce classement.

La croissance de la productivité du travail mise en contexte

La productivité est le déterminant le plus important de la prospérité d’un pays à plus long terme. Les pays et provinces qui innovent et qui sont capables de s’adapter aux fluctuations de la nouvelle économie mondiale affichent une meilleure productivité et, par conséquent, un niveau de vie supérieur. La productivité est une mesure de l’efficacité de la production des biens et services.

Comme le souligne Statistique Canada, « la croissance de la productivité du travail est souvent influencée par le degré de diversité de la structure industrielle. Par conséquent, la productivité du travail tend à être plus instable dans les provinces plus petites1. » Pour cette raison, nous utilisons une moyenne sur cinq ans pour cet indicateur afin d’éviter de tirer des conclusions fallacieuses fondées sur une année de données.

Comment se classent les provinces par rapport aux pays comparables au Canada?

L’Irlande arrive largement en tête du classement au chapitre de la croissance de la productivité du travail. Le pays a affiché une croissance du produit intérieur brut (PIB) réel de 26 % en 2015. Comme la productivité du travail mesure le montant du PIB produit par chaque heure travaillée dans une économie, la croissance de la productivité du travail en Irlande a grimpé en flèche à 22 % en 2015.

Les économistes irlandais expliquent ce bond de diverses manières, mais sont généralement d’avis qu’il s’agit d’un artefact statistique. Cette croissance est probablement due en grande partie à un changement dans la façon dont les pays de l’Union européenne calculent l’investissement à partir des chiffres du PIB. Les actifs et la propriété intellectuelle d’une société dont le siège social est établi dans un pays sont désormais ajoutés au capital national de ce pays, et l’augmentation de leur valeur est maintenant incluse dans le PIB2. Comme le capital national irlandais a augmenté de plus de 30 % en 2015, on soupçonne qu’un grand nombre de sociétés ont élu domicile en Irlande ou que l’une des nombreuses grandes multinationales qui s’enregistrent dans ce pays à des fins fiscales a éventuellement connu un important rendement de ses actifs3. L’économie irlandaise est petite si on la compare à la taille de certaines sociétés – comme Apple, qui s’y est établie à des fins fiscales –, de sorte que l’évolution de la situation financière de ces entreprises pourrait avoir une influence considérable sur les statistiques nationales irlandaises. Outre les variations du capital national, le nombre d’avions achetés par des locateurs établis en Irlande a bondi. Il est possible que ces avions ne se soient en réalité jamais trouvés au pays, mais ils sont considérés dans le calcul du PIB4.

Pour les économistes irlandais, la croissance des dépenses de consommation – qui atteignait 4,5 % en 2015, soit un taux tout de même impressionnant – est un meilleur indicateur du véritable taux tendanciel de croissance5.

Au cours des cinq dernières années, la croissance moyenne de la productivité du travail en Irlande – qui atteint 6,4 % par année – éclipse le taux de croissance de toutes les provinces canadiennes et des autres pays comparables. Si on utilisait notre méthode habituelle de calcul des notes6, cela signifierait que chacune des provinces et chacun des pays comparables recevraient un D au chapitre de la productivité du travail, à l’exception de la Colombie-Britannique, qui obtiendrait un C, et de Terre-Neuve-et-Labrador, qui écoperait d’un D−.

Étant donné que la croissance du PIB en Irlande en 2015 est un artefact statistique, nous avons tout simplement choisi de donner à l’Irlande un A+, puis d’omettre le pays lors du calcul des notes des autres provinces et pays de comparaison. Le résultat obtenu donne lieu à une répartition des notes beaucoup plus logique, qui reflète plus précisément les écarts de rendement entre les différentes régions.

Outre l’Irlande, la Colombie-Britannique est la région la plus performante parmi les autres provinces et pays comparables, ce qui lui vaut un A+ pour une croissance moyenne de la productivité du travail de 2,0 % de 2011 à 2015. Les remarquables gains de productivité réalisés par la Colombie-Britannique au cours des cinq dernières années expliquent largement pourquoi la province obtient d’excellentes notes à plusieurs indicateurs du bilan comparatif de l’économie de cette année.

La plupart des provinces affichent une croissance de la productivité du travail supérieure à la croissance médiane des pays comparés, qui est de 0,8 %. Le Manitoba et la Saskatchewan enregistrent toutes deux une croissance moyenne de la productivité du travail de 1,4 %, un taux qui leur permet, avec l’Australie (1,7 %), de remporter un A. L’Alberta se classe tout juste derrière ces deux provinces, recevant un B pour une croissance moyenne de la productivité du travail de 1,1 %. Le Nouveau-Brunswick (0,9 %) et l’Ontario (0,8 %) recueillent un C.

Le Québec (0,7 %), l’Île-du-Prince-Édouard (0,6 %) et la Nouvelle-Écosse (0,6 %) se situent tout juste en dessous de la médiane des pays comparés. La performance de Terre-Neuve-et-Labrador est cependant préoccupante : avec une croissance moyenne de la productivité du travail de −1,2 %, la province arrive bien en deçà de tous les pays de comparaison et écope d’un D− à cet indicateur.

Dans l’ensemble, le Canada affiche un bon rendement par rapport aux pays comparables, soit une croissance de la productivité du travail d’en moyenne 1,0 % de 2011 à 2015. Cela lui permet d’occuper le 3e rang du classement parmi les pays comparés, soit après l’Irlande et l’Australie.

Comment se situent les provinces les unes par rapport aux autres?

Les quatre provinces de l’Ouest sont les seules à enregistrer une croissance de la productivité du travail supérieure à la moyenne canadienne. Ces économies provinciales, qui sont généralement plus axées vers les ressources, ont stimulé la croissance économique canadienne au cours de la première moitié de la décennie.

Cependant, la moyenne quinquennale utilisée révèle que les provinces des Prairies ont bénéficié d’une forte croissance dans les années précédant l’effondrement des prix des produits de base en 2014-2015. Les notes qu’elles recueillent dans ce bilan sont donc élevées par rapport à leurs plus récentes performances. En 2015, l’année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, la situation dans les trois provinces des Prairies est moins rose, la Saskatchewan et le Manitoba récoltant un C et l’Alberta écopant d’un D−.

Les provinces du centre du Canada, soit le Québec et l’Ontario, se classent tout juste en dessous de la moyenne nationale. Le Nouveau-Brunswick se situe également près de la moyenne, mais le reste des provinces de l’Atlantique se trouve dans le peloton de queue du classement.

Terre-Neuve-et-Labrador est la seule province à avoir enregistré une baisse moyenne de la croissance de la productivité du travail de 2011 à 2015. Ce déclin de la productivité du travail résulte en partie de la chute de la production pétrolière due à la maturation de l’industrie extracôtière. Il est possible que le travail réalisé par les travailleurs du secteur pétrolier de la province ait été aussi efficace qu’auparavant, mais la production a constamment diminué en raison de la maturation de l’industrie. Les autres provinces riches en pétrole n’ont pas connu une telle diminution de la productivité du travail au cours de la même période, car la production pétrolière a continué de croître dans l’Ouest canadien.

Qu’est-ce qui est plus important : la croissance de la productivité ou les niveaux de productivité?

Bien que les médias se concentrent le plus souvent sur les taux de croissance de la productivité, ces taux ne disent pas tout. Le niveau de productivité réel (c’est-à-dire la valeur monétaire de la production par heure travaillée) est tout aussi intéressant. Par exemple, Terre-Neuve-et-Labrador a de loin enregistré la plus faible croissance du pays en termes de productivité du travail durant les dernières années, mais son niveau de productivité demeure tout de même supérieur à la moyenne nationale.

De faibles niveaux de productivité représentent un énorme défi pour la prospérité économique future de la plupart des provinces. En 2015, le niveau de productivité du travail du Canada était de 49 $ US par heure travaillée, soit beaucoup moins que celui des États-Unis, qui était de 63 $ US. En comparaison, celui des provinces va de 99 % du niveau américain en Alberta à 58 % à l’Île-du-Prince-Édouard.

Pire encore, ces parts ne cessent de diminuer dans toutes les provinces, sauf à Terre-Neuve-et-Labrador. Le recul le plus marqué est celui de la Colombie-Britannique, où le niveau de productivité du travail est passé de 96 % de celui des États-Unis en 1981 à 78 % de celui-ci en 2015. Dans l’ensemble, la productivité du travail du Canada par rapport à celle des États-Unis est tombée de 89 % en 1981 à 77 % en 2015.

Au cours des cinq dernières années, cependant, le Canada a dépassé les États-Unis en ce qui a trait à la croissance de la productivité du travail. Le pays devra répéter cet exploit pendant des décennies pour combler l’écart avec les États-Unis, qui demeure considérable.

Comment s’en sortent les territoires en matière de productivité?

Les territoires écopent tous d’un D–, affichant une croissance négative de la productivité du travail de 2011 à 2015. La productivité du travail au Nunavut a diminué d’en moyenne 0,5 % par an, tandis qu’au Yukon, elle a décliné d’en moyenne 2,6 % par an, et dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), d’en moyenne 4,2 % par an. Nous devons toutefois interpréter les résultats des territoires avec précaution, car les données sur le travail ne tiennent pas compte de la main-d’œuvre qui arrive de l’extérieur et repart. Ces effectifs contribuent à la production économique et peuvent influencer les résultats.

Cependant, le niveau de productivité du travail est élevé dans les T.N.-O. et au Nuvavut. À 68 $ US et 66 $ US respectivement, ils sont plus élevés que ceux de l’ensemble des provinces canadiennes, et plus hauts que ceux de tous les pays de comparaison, à l’exception de la Norvège et de l’Irlande. La productivité du travail au Yukon, qui est de 44 $ US, est cependant inférieure à la moyenne nationale.

Nous n’incluons pas les territoires dans nos calculs aux fins des comparaisons provinciales et internationales, car les données ne sont pas disponibles pour tous les indicateurs faisant partie des six catégories principales du bilan comparatif. Le Conference Board entend toutefois intégrer les territoires dans son analyse et réalise des bilans comparatifs distincts pour les territoires quand les données sont disponibles, comme pour la croissance de la productivité du travail.

Le Conference Board publie deux fois par an un rapport intitulé Territorial Outlook dans lequel il examine la conjoncture économique et financière de chaque territoire, notamment les résultats par industrie, la situation du marché du travail et la composition démographique. Le Territorial Outlook est disponible en ligne à e-Library et, pour nos clients abonnés, à e-Data www.conferenceboard.ca/edata.htm.

Les Canadiens ne travaillent-ils pas assez fort?

Bien des gens confondent la notion de productivité et celle d’intensité du travail. Quand on parle d’améliorer la productivité, on ne parle pas de travailler plus fort ou plus longtemps, mais de travailler plus intelligemment. L’idée est de trouver des moyens de produire plus efficacement les biens et les services de manière à produire plus avec la même quantité d’effort. Il s’agit aussi de produire des produits et services à plus forte valeur ajoutée qui valent plus cher sur le marché. Il n’incombe pas seulement aux gouvernements, mais aussi aux entreprises et à leur direction, d’améliorer la productivité.

Prenons, par exemple, le constructeur automobile qui adopte de nouvelles technologies robotiques qui réduisent le temps de montage des voitures, ce qui signifie qu’avec le même nombre d’ouvriers, il peut maintenant produire plus de véhicules par jour, sans heures supplémentaires ni cadences accrues. Ou encore, prenons le cas d’un constructeur automobile qui ajoute un système GPS à un modèle de voiture qui se vend 30 000 $. Cette technologie innovatrice fait augmenter le prix de vente de 3 000 $. Comme la nouvelle voiture ne demande pas plus de temps à construire, toutefois, la productivité du travail, à savoir la production par travailleur, augmente de 10 %.

Qu’est-ce qui détermine la croissance de la productivité?

Les défis à surmonter pour améliorer la productivité sont multiples. Le Canada doit notamment encourager une culture d’innovation dans les entreprises, exposer les industries aux pressions concurrentielles, améliorer l’intensité du capital quantitativement et qualitativement, et instaurer un cadre politique favorable.

Le Conference Board a préparé un diagramme pour illustrer les principaux moteurs de la productivité. Au sommet se trouvent les facteurs propres aux entreprises se rapportant au capital physique et humain, ainsi qu’à l’innovation et à l’évolution technologique dans une organisation donnée.

La partie intermédiaire correspond au climat des affaires et au cadre politique dans lesquels s’intègrent les facteurs propres à l’entreprise. Par exemple, si une organisation évolue dans un domaine très concurrentiel, cette concurrence peut avoir une influence indirecte sur la productivité par ses effets sur les variables propres à l’entreprise.

Le bas de la pyramide correspond à la dynamique de l’économie mondiale. Le Canada peut influer sur une partie de cette dynamique, notamment par la libéralisation des échanges. En revanche, aucun pays n’a vraiment prise sur d’autres éléments, comme l’évolution des cours mondiaux des produits de base.

Que peuvent faire les provinces pour améliorer leur productivité?

Il n’existe pas de solution miracle pour améliorer la productivité, et il faut examiner bien des facteurs.

S’agissant des facteurs propres aux entreprises, la plupart des provinces s’en sortent assez bien pour ce qui est de la composante capital humain. Comparés aux travailleurs des autres pays, les travailleurs canadiens sont instruits et hautement qualifiés. Il y a matière à amélioration en ce qui concerne les compétences en littératie chez les adultes et les compétences en numératie, mais la qualité de la main-d’œuvre n’est pas le maillon faible de la croissance de la productivité.

Pour ce qui est de l’intensité de capital (la quantité de capital dont dispose chaque travailleur, en particulier le matériel et l’outillage), les résultats des provinces sont contrastés. L’intensité de capital est évidemment plus forte dans les provinces riches en ressources naturelles. Le stock de capital par travailleur est supérieur à la moyenne nationale en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Les investissements dans le matériel et l’outillage – en particulier dans la technologie de l’information et des communications – permettent d’adopter et de diffuser les technologies de pointe et, partant, d’améliorer la productivité. Nous savons que la croissance de la productivité est généralement meilleure dans les pays qui investissent plus dans le matériel, l’outillage et l’équipement. Or, le Canada se classe parmi les pays comparables qui investissent le moins dans le matériel et l’outillage en pourcentage du produit intérieur brut (PIB).

Au niveau provincial, ce sont là encore les provinces riches en ressources naturelles – Alberta, Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador – qui investissent plus dans le matériel et l’outillage par travailleur que les États-Unis. L’adoption d’une taxe harmonisée (là où elle n’est pas déjà en place), l’octroi de crédits d’impôt à l’investissement, la réduction des taux d’imposition des sociétés et l’allègement du fardeau réglementaire sont autant de mesures que les provinces peuvent prendre pour donner un coup de pouce à l’investissement et, par voie de conséquence, à la productivité.

L’innovation, troisième élément des facteurs propres aux entreprises, est l’une des principales sources de gains de productivité et de prospérité. Le Conference Board définit l’innovation comme un processus par lequel on extrait des connaissances une valeur économique ou sociale, par la formulation, la diffusion et la transformation d’idées, afin de produire des produits, des services ou des procédés nouveaux ou améliorés. Or, malgré près de deux décennies de programmes d’innovation et de rapports sur la prospérité, le Canada n’a pas progressé quant aux éléments fondamentaux de son écosystème de l’innovation, tels que la recherche et le développement. Il n’existe pas de solution toute faite pour améliorer la performance en matière d’innovation, mais des études montrent que la politique gouvernementale et la culture d’entreprise peuvent aider.

Quel lien peut-on établir entre la productivité du travail et le revenu par habitant?

Le principal déterminant du revenu par habitant d’un pays, à long terme, est le niveau et la croissance de sa productivité. La raison? Il n’existe aucune limite à la croissance de la productivité. Certains facteurs ont des limites, comme le nombre d’heures qu’un employé peut travailler par jour, le niveau auquel le taux de chômage peut descendre de façon durable, le niveau maximal que peut atteindre le taux d’activité et la proportion maximale des personnes en âge de travailler par rapport à la population totale. Par contre, l’innovation et l’évolution technologique peuvent soutenir indéfiniment la croissance de la productivité, stimulant ainsi le taux de croissance au fil du temps.

Dans l’équation ci-dessous, la productivité du travail est la seule composante sans limites supérieures. Par conséquent, l’amélioration de la productivité est le seul moyen durable de réduire l’écart considérable qui subsiste entre les revenus par habitant des provinces et des États-Unis.

Notes de bas de page

1    Statistique Canada, Heures travaillées et productivité du travail dans les provinces et les territoires, 2015.

2    The Economist, « Ireland’s Economic Statistics: Not the Full Shilling », The Economist, 16 juillet 2016.

3    Cliff Taylor, « Ireland’s GDP Figures: Why 26% Economic Growth Is a Problem », The Irish Times, 15 juillet 2016.

4    Phillip Inman, « Irish Economy Surges 26% as Revised Figures Take in Foreign Investment », The Guardian, 12 juillet 2016.

5    Eoin Burke Kennedy, « Handful of Multinationals Behind 26.3% Growth in GDP », The Irish Times, 12 juillet 2016.

6    Nous calculons les notes en évaluant la différence entre les pays comparables les plus performants et les moins performants et en divisant les résultats obtenus en quatre catégories. La première catégorie reçoit des A, la deuxième, des B, et ainsi de suite. Si on utilisait ici cette méthodologie habituelle et que l’on incluait l’Irlande dans le calcul, un A serait attribué pour une croissance de la productivité du travail de 4,8 % et plus; un B serait accordé pour une croissance de la productivité du travail de 3,3 % et plus; un C serait attribué pour une croissance de la productivité du travail de 1,7 % et plus; et un D serait accordé pour une croissance de la productivité du travail de 0,2 % et plus.