Suicides

Messages clés

  • Avec les taux de suicide moyens les plus faibles du Canada entre 2009 et 2011, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon se classent parmi les cinq premiers de ce bilan comparatif et obtiennent chacun un « A ».
  • Avec un taux de suicide moyen trois fois plus élevé que celui du pays de comparaison le plus mal classé, à savoir le Japon, et six fois plus élevé que la moyenne canadienne, le Nunavut est la seule région à se voir attribuer un « D- ».
  • Globalement, le taux de suicide est en baisse au Canada, mais dans certaines provinces, il progresse depuis dix ans.

Mettre le suicide en contexte

L’Organisation mondiale de la santé définit le suicide comme étant « un acte délibéré accompli par une personne qui en connaît parfaitement, ou en espère, l’issue fatale1 ». La maladie mentale est présente dans la plupart des cas, notamment lorsque le suicide est consécutif à une dépression ou à l’abus d’alcool ou d’autres drogues. Cependant, aucun déterminant ne suffit à lui seul à causer un suicide, celui-ci résultant généralement de l’interaction de nombreux facteurs2 :

  • crises personnelles, comme un divorce ou une maladie;
  • isolement social découlant du chômage;
  • toxicomanie et alcoolisme;
  • dépression et autres formes de maladie mentale.

L’ampleur du soutien apporté par la société pour modifier ces facteurs détermine aussi s’ils aboutiront ou pas à un suicide. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne que « le suicide témoigne non seulement d’un état de dépression de l’individu, mais aussi de la dégradation du contexte social dans lequel il vit3 ».

Comment s’en sortent les provinces et les territoires par rapport aux pays comparables au Canada?

L’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, qui affichent les plus faibles taux de suicide au pays, obtiennent un « A » et terminent dans les cinq meilleurs parmi les pays comparables au Canada. Avec un taux de suicide de 6,8 décès pour 100 000 habitants, le Royaume-Uni arrive en tête de classement de ce bilan comparatif.

Globalement, avec une moyenne de 10,9 décès pour 100 000 habitants entre 2009 et 2011, le Canada se classe au 10e rang et obtient un « B ». La plupart des provinces décrochent un « B ». La Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest obtiennent un « C » et le Nunavut, un « D- ». En fait, avec une moyenne de 63,9 suicides pour 100 000 habitants, le Nunavut est de loin la région qui affiche les pires résultats parmi les pays comparables au Canada. Son taux de suicide est trois fois plus élevé que celui du Japon, pays le plus mal classé.

Comment se situent les provinces et les territoires les uns par rapport aux autres?

Avec des taux de suicide inférieurs à 9 décès pour 100 000 habitants, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard se situent au-dessus de la moyenne par rapport aux autres provinces. Le Yukon a le troisième taux de suicide le plus faible au Canada. La Saskatchewan est la plus mal classée des provinces. Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut ont les taux de suicide les plus élevés au pays. Le taux de suicide du Nunavut est au-delà de sept fois plus élevé que celui de la province la mieux classée, à savoir l’Ontario.

Quel est le lien entre le classement et l’autoévaluation de la santé mentale?

La santé mentale constitue un facteur de risque courant en ce qui concerne le suicide, et l’autoévaluation de la santé mentale représente une mesure subjective de l’état de santé mentale global. Le lien entre l’autoévaluation de la santé mentale et le suicide est évident dans les régions les plus mal classées. Les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut se classent derniers pour ce qui est de l’autoévaluation de la santé mentale et le taux de suicide y est le plus élevé du pays. Le fait que le Nunavut occupe le dernier rang en ce qui a trait à l’autoévaluation de la santé mentale est révélateur. Seulement 55 % de ses habitants âgés de 12 ans et plus qualifient leur propre santé mentale d’« excellente » ou de « très bonne », ce qui est nettement moins que la moyenne canadienne de 71,6 %.

Cependant, le lien entre l’autoévaluation de la santé mentale et le suicide n’est pas évident dans toutes les régions. Ainsi, l’Alberta et la Saskatchewan se classent relativement bien à l’indicateur de l’autoévaluation de la santé mentale, mais toutes deux affichent des taux de suicide élevés par rapport aux autres provinces. L’écart est particulièrement frappant en Saskatchewan – seules deux autres provinces ont un taux de suicide plus élevé que le sien, mais 71,6 % de ses habitants âgés de 12 ans et plus qualifient leur propre santé mentale d’« excellente » ou de « très bonne », ce qui lui vaut un « A » à cet indicateur. À l’inverse, le Yukon obtient un mauvais résultat à l’autoévaluation de la santé mentale, comme les autres territoires, mais il décroche un « A » à la mortalité due au suicide.

Pourquoi le taux de suicide est-il aussi élevé au Nunavut?

Les problèmes de santé mentale sont très inquiétants dans la population autochtone, en particulier chez les jeunes. Le taux de suicide chez les Autochtones est deux à trois fois plus élevé que chez les Canadiens non autochtones. Plus troublant encore, le taux de suicide chez les jeunes Autochtones est cinq à six fois plus élevé que chez les jeunes non autochtones4. La dépression est la maladie la plus courante chez les personnes qui se suicident5, et au Nunavut, près des deux tiers des personnes qui mettent fin à leurs jours ont connu à un moment ou à un autre un épisode dépressif majeur. Près des trois quarts de ces personnes souffraient également d’un autre trouble mental diagnostiqué, d’où l’idée que la combinaison de la dépression et d’un autre trouble mental pourrait conduire au suicide.

Les personnes qui se suicident au Nunavut sont également plus susceptibles de souffrir de toxicomanie ou d’alcoolisme, et un fort pourcentage a été victime de maltraitance dans l’enfance. L’Université McGill et l’Institut universitaire en santé mentale Douglas ont consacré une étude aux 120 suicides enregistrés au Nunavut entre 2003 et 2006. Les chercheurs ont examiné les dossiers médicaux et de police et interrogé la famille et les amis des victimes. L’étude révèle chez les Inuits qui ont mis fin à leurs jours des taux élevés de mauvais traitements subis durant l’enfance, de dépression et de consommation excessive d’alcool et de marijuana. Dans le groupe, 72 % avaient au moins un trouble de santé mentale diagnostiqué, et presque la moitié avaient été victimes, enfants, de violence physique, sexuelle ou psychologique. L’étude soulève des questions sur les soins psychiatriques existants pour le groupe atteint de troubles de la santé mentale – 82 % du groupe n’avait jamais pris de médicaments pour une maladie mentale et seulement 17 % avaient déjà été hospitalisés pour des problèmes de santé mentale6.

Les taux de suicide présentent-ils des différences entre les sexes?

Le suicide est un phénomène essentiellement masculin. Dans tous les pays de comparaison, les hommes sont au moins deux fois plus susceptibles de se tuer que les femmes. Au Canada, le facteur est de trois pour un7, tandis qu’aux États-Unis, il est de près de quatre pour un8.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, la fréquence des suicides augmente avec l’âge. Ce n’est pas le cas au Canada, sauf chez les personnes très âgées (c’est-à-dire âgées de 90 ans et plus). Cela tient peut-être en partie au taux de pauvreté moins élevé au Canada chez les personnes âgées que dans les pays de comparaison.

Y a-t-il un problème de suicide des jeunes au Canada?

Même si le suicide n’est pas aussi courant chez les jeunes que dans le groupe des 30 à 60 ans, il est préoccupant et il soulève des questions sur leur démotivation. Au Canada, ce problème touche particulièrement les jeunes Autochtones, chez qui les taux de suicide sont cinq à sept fois plus élevés que chez les jeunes non-Autochtones. De plus, les taux chez les jeunes Inuits sont parmi les plus élevés au monde, soit 11 fois supérieurs à la moyenne nationale9. En fait, dans un rapport publié en 2013, Statistique Canada estime les taux de suicide masculin et féminin chez les jeunes Autochtones âgés de moins de 20 ans respectivement à 30 et à 25,5 pour 100 000 habitants. Ces chiffres sont particulièrement inquiétants dans les régions où la population autochtone est la plus importante, comme le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et la Saskatchewan, où les taux de suicide sont les plus élevés au Canada10.

Quelle est l’évolution du taux de suicide dans les provinces et territoires ces dix dernières années?

Les taux de suicide sont en baisse depuis dix ans au Canada, où ils sont passés de 11,5 pour 100 000 habitants en 2000 à 10,5 pour 100 000 habitants en 2011. Le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard sont les deux provinces où les taux baissent le plus. Et même malgré les taux de suicide nettement plus élevés au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, on note une tendance à la baisse du nombre de suicides dans tous les territoires.

Ce qui est préoccupant, c’est que les taux de suicide augmentent dans la moitié des provinces. Ils étaient ainsi plus élevés en 2011 qu’en 2000 à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan.

Notes de bas de page

1    R.F R.F.W. Diekstra, « Suicide and Attempted Suicide: An International Perspective », Acta Psychiatrica Scandanauica, vol. 80, S354 (octobre 1989), p. 1-24. 

2    Statistique Canada, Coup d’œil sur la santé, Les taux de suicide : un aperçu, 2012.

3    OCDE, Panorama de la société 2006 : Les indicateurs sociaux de l’OCDE, Paris, OCDE, 2006, p. 108.

4    Santé Canada, Savoir et AGIR : la prévention du suicide chez les jeunes des Premières nations (consulté le 27 février 2012).

5    Statistique Canada, Coup d’œil sur la santé, Les taux de suicide : un aperçu, 2012.

6    Université McGill et Institut universitaire en santé mentale Douglas, Learning From Lives That Have Been Lived, 2013.

7    Statistique Canada, CANSIM, tableau 102-0551 (Décès et taux de mortalité, selon certains groupes de causes, le groupe d’âge et le sexe, Canada) (consulté le 28 octobre 2014).

8    Centers for Disease Control and Prevention, FastStats (consulté le 28 octobre 2014).

9    Santé Canada, Prévention du suicide (consulté le 28 octobre 2014).

10    Santé Canada, Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones (consulté le 28 octobre 2014).