Revenu des personnes ayant une incapacité
Messages clés
- Le Manitoba est la province la plus performante à cet indicateur. Le revenu moyen des personnes ayant une incapacité y correspond à 76,5 % du revenu des personnes sans incapacité.
- L’Alberta est la province la moins performante. Le revenu des personnes ayant une incapacité y correspond en moyenne tout juste aux deux tiers du revenu des personnes sans incapacité.
- Dans la plupart des provinces, les personnes ayant une incapacité gagnent entre 70 et 75 % du revenu des personnes sans incapacité.
Le revenu des personnes ayant une incapacité mis en contexte
Environ 3,8 millions de Canadiens – soit près de 14 % des personnes âgées de 15 ans et plus – ont déclaré avoir une incapacité en 20121. Aux fins du présent document, les incapacités désignent tout un spectre d’états allant des limitations développementales ou intellectuelles à des problèmes de santé mentale, en passant par des limitations physiques, visuelles ou sensorielles2.
L’âge moyen de l’apparition des incapacités dans la population canadienne est de 43 ans, les hommes (41,5 ans) étant touchés plus tôt que les femmes (44,5 ans). En général, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à déclarer avoir une ou plusieurs incapacités3.
Il existe des écarts de revenu entre les personnes ayant une incapacité et les personnes sans incapacité. Des écarts salariaux existent aussi entre les personnes ayant une incapacité, selon le type d’incapacité et le degré de celle-ci. Ce sont des inégalités salariales qui affectent les sociétés à de nombreux égards.
Indubitablement, le sous-emploi et le chômage persistants des personnes ayant une incapacité affectent directement leur autonomie financière ainsi que leur participation à la vie sociale et économique, ce qui peut alourdir la charge exercée sur les ressources socioéconomiques de la société.
Qui plus est, en ne parvenant pas à tenir sa promesse d’inclusion et d’égalité des chances d’emploi, la société échoue à promouvoir la dignité humaine et à instaurer les conditions sociales d’une vie agréable pour le plus grand nombre possible de Canadiens.
Comment calcule-t-on le revenu des personnes ayant une incapacité?
Le présent indicateur examine le revenu disponible des personnes ayant une incapacité par rapport au revenu disponible des personnes sans incapacité.
Comme il n’existe pas de données comparables au niveau international, nous nous intéressons uniquement aux performances provinciales. Nous n’attribuons pas de notes pour cet indicateur étant donné l’important écart de revenu entre les personnes ayant une incapacité et les personnes sans incapacité, même dans la province la plus performante à cet égard. Pour dire les choses clairement : aucune province ne mérite un « A ». Néanmoins, il est important de présenter des données sur l’écart de revenu entre les personnes ayant une incapacité et les personnes sans incapacité afin d’examiner les inégalités de revenu dans l’ensemble des provinces.
Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?
Le Manitoba est la province la plus performante à cet indicateur, avec un revenu moyen des personnes ayant une incapacité qui correspond à 76,5 % de celui des personnes sans incapacité.
En Ontario, le revenu des personnes ayant une incapacité correspond à 74,8 % de celui des personnes sans incapacité, tandis que la proportion est de 74,4 % en Nouvelle-Écosse. Avec 73,3 %, l’Île-du-Prince-Édouard fait mieux que la moyenne nationale (72,7 %), tandis que Terre-Neuve-et-Labrador se situe dans la moyenne nationale à ce chapitre.
Il existe un léger écart entre la performance du Nouveau-Brunswick (71,9 %) et celle de la Saskatchewan (71,7 %) pour cet indicateur. Le revenu des personnes ayant une incapacité en Colombie-Britannique et au Québec correspond respectivement à 70,7 % et à 70,5 % de celui des personnes sans incapacité.
L’Alberta est la province la moins performante, avec un revenu des personnes ayant une incapacité correspondant à 66,1 % de celui des personnes sans incapacité.
Comment les territoires s’en sortent-ils pour cet indicateur?
Au Nunavut, le revenu des personnes ayant une incapacité correspond à 92,7 % du revenu des personnes sans incapacité, ce qui permet à ce territoire d’afficher le meilleur rendement au Canada, avec 16 points de pourcentage de plus que le Manitoba, qui est la province la plus performante.
Avec un revenu des personnes ayant une incapacité correspondant à 76,9 % de celui des personnes sans incapacité, le Yukon fait légèrement mieux que le Manitoba.
Ces sont les Territoires du Nord-Ouest qui affichent la moins bonne performance de tout le Canada. Le revenu des personnes ayant une incapacité correspond à seulement 57,6 % de celui des personnes sans incapacité.
Nous n’incluons pas les territoires dans nos calculs aux fins des comparaisons provinciales et internationales, car les données pour les territoires ne sont pas disponibles pour plusieurs indicateurs du bilan comparatif de la société. Cependant, le Conference Board entend inclure les territoires dans son analyse et fournit donc des renseignements sur leur performance quand des données sont disponibles.
Quels facteurs contribuent au revenu inférieur gagné par les personnes ayant une incapacité?
De nombreux facteurs contribuent à l’écart de revenu entre les personnes ayant une incapacité et celles sans incapacité. Cet écart résulte souvent des différences dans le taux d’emploi et le taux de participation au marché du travail, qui eux-mêmes dépendent de ce qui suit :
- la prévalence de l’incapacité;
- la gravité de l’incapacité;
- le type d’incapacité;
- l’âge à l’apparition de l’incapacité.
Parmi les 3,8 millions de Canadiens de 15 ans et plus qui ont déclaré avoir une incapacité en 2012, environ 32 % « étaient classés comme ayant une incapacité légère; 20 %, une incapacité modérée; 23 %, une incapacité sévère; et 26 %, une incapacité très sévère4 ».
Généralement, les Canadiens ayant une incapacité, physique ou mentale, sont sous-employés.
Il existe un écart de 26,3 points de pourcentage entre le taux d’emploi des Canadiens ayant une incapacité (47,3 %) et celui des Canadiens sans incapacité (73,6 %). L’éventail des écarts va de −1,4 point de pourcentage au Nunavut (55,5 % des personnes ayant une incapacité ont un emploi contre 54,1 % des personnes sans incapacité) à 33 points de pourcentage au Québec (39,9 % des personnes ayant une incapacité ont un emploi contre 72,9 % des personnes sans incapacité).
Ces vastes écarts entre les taux d’emploi sont regrettables étant donné que les personnes ayant une incapacité physique légère ou modérée ont le potentiel de participer pleinement au marché du travail moyennant de simples aménagements du lieu de travail, comme des ascenseurs accessibles, des mains courantes et des rampes ainsi que des places de stationnement appropriées5.
L’écart entre le taux de participation au marché du travail des Canadiens ayant une incapacité (53,6 %) et celui des Canadiens sans incapacité (79,3 %) est légèrement plus petit (25,7 points de pourcentage) que celui entre les taux d’emploi de ces personnes.
L’éventail des écarts va de 0,7 point de pourcentage au Nunavut (65,5 % des personnes ayant une incapacité participent au marché du travail contre 66,2 % des personnes sans incapacité) à 33,4 points de pourcentage au Québec (44,6 % des personnes ayant une incapacité participent au marché du travail contre 78 % des personnes sans incapacité).
Les faibles taux d’emploi et de participation au marché du travail des personnes ayant une incapacité peuvent être en partie liés à l’âge. En effet, les incapacités tendent à être plus prévalentes chez les adultes d’un certain âge, qui sont moins susceptibles que les jeunes adultes d’avoir un emploi ou de participer activement au marché du travail6. Comme la prévalence des incapacités tend à augmenter avec l’âge, la mise en place de mesures d’adaptation sur le lieu de travail pourrait aider les personnes à rester plus longtemps dans la population active.
Cela dit, l’âge d’apparition de l’incapacité a aussi une incidence sur la participation au marché du travail. En général, les résultats sur le plan de l’emploi sont meilleurs pour les personnes dont l’incapacité est apparue à un âge tardif ou est épisodique que pour les personnes qui ont connu cette incapacité tout au long de leur vie7. Cela vient du fait que les personnes dont l’incapacité apparaît tard dans la vie sont plus susceptibles d’avoir une expérience professionnelle plus riche, ce qui contribue à atténuer les difficultés socioéconomiques liées à leur incapacité.
Le taux d’emploi des personnes ayant une incapacité varie aussi selon le type d’incapacité. Par exemple, il est plus élevé chez les personnes ayant une incapacité liée à l’ouïe ou à la douleur (environ 50 %), tandis qu’il est d’environ 25 % chez les personnes dont l’incapacité est d’ordre intellectuel et développemental8.
Les personnes ayant une incapacité ont-elles le sentiment de subir une discrimination à l’emploi fondée sur cette incapacité?
D’après l’Enquête sociale générale de 2014 menée par Statistique Canada, 2,6 % des répondants ayant une incapacité ont déclaré avoir déjà eu le sentiment de subir une discrimination à l’emploi en raison de cette incapacité. La proportion de personnes qui se sentent discriminées va de 1,1 % (Terre-Neuve-et-Labrador) à 3,5 % (Saskatchewan)9.
Quel est le lien entre incapacité, éducation et revenu?
L’accès à l’éducation et à la formation est essentiel pour pouvoir participer activement au marché du travail. D’après un récent rapport sur l’emploi inclusif des Canadiens ayant une incapacité, les personnes dont l’incapacité était présente à la naissance ou s’est développée et a été diagnostiquée très tôt dans leur vie peuvent avoir un accès limité à une éducation inclusive, à une expérience professionnelle durant leurs études secondaires et à une participation précoce au marché du travail10.
En effet, les systèmes scolaires n’incluent pas toujours une planification de la transition entre l’école et le travail et une préparation à l’emploi. Souvent, les relations entre les établissements scolaires, les employeurs locaux et les services d’emploi sont insuffisamment développées pour les étudiants ayant une incapacité11. Si les personnes ayant une incapacité n’ont pas l’occasion de participer à des activités de planification de carrière pendant leurs études primaires et secondaires, elles peuvent être exclues du marché du travail ou sous-estimées professionnellement, et donc subir un désavantage salarial plus tard dans leur vie.
En outre, il existe au Canada des écarts de niveau de scolarité entre les personnes ayant une incapacité et celles sans incapacité. En 2012, « près de 80 % des personnes ayant une incapacité qui [sont] âgées de 25 à 64 ans [ont] obtenu au moins un diplôme d’études secondaires, par rapport à 90 % de celles sans incapacité12 ».
Le niveau de scolarité varie aussi selon le degré d’incapacité des personnes. Ainsi, les personnes ayant une incapacité sévère (22 %) sont plus susceptibles que celles dont l’incapacité est légère (16 %) de ne pas avoir obtenu de diplôme d’études secondaires13.
Cet écart dans les niveaux de scolarité et l’accès à une formation professionnelle pourrait étayer la constatation de l’Enquête canadienne sur l’incapacité (2012) indiquant que, dans tout le Canada, 65 % (près des deux tiers) des personnes ayant une incapacité modérée ont un emploi, contre 41 % des personnes ayant une incapacité sévère et 26 % des personnes ayant une incapacité très sévère14.
Que peuvent faire les provinces et les territoires pour réduire l’écart de revenu entre les personnes ayant une incapacité et celles sans incapacité?
Dans les provinces et territoires canadiens, à l’exception du Nunavut, les personnes ayant une incapacité ont un revenu largement inférieur à celui des personnes sans incapacité.
Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont lancé de nombreux programmes et des financements ciblés afin de supprimer les obstacles à l’inclusion sociale pour les personnes ayant une incapacité15. Ainsi, le Fonds d’intégration pour les personnes handicapées du gouvernement fédéral « aide les personnes handicapées à se préparer au marché du travail, à trouver un emploi et à le conserver ou à devenir des travailleurs indépendants16 ». Le gouvernement fédéral fournit aussi des fonds aux organisations communautaires qui aident les collectivités à mieux intégrer les personnes ayant une incapacité.
Chaque gouvernement provincial et territorial reçoit, dans le cadre d’ententes relatives au marché du travail, des financements fédéraux pour les personnes ayant une incapacité afin d’améliorer leurs aides au développement des compétences et à l’éducation postsecondaire, ainsi que d’accroître les possibilités d’emploi de ces personnes17.
Il y a plus de 10 ans, l’Ontario a été la première province à adopter une loi sur l’accessibilité pour les personnes ayant une incapacité. La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario a pour objectif déclaré de rendre l’Ontario accessible aux personnes handicapées d’ici 2025. Plus précisément, elle vise à « réaliser l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario en ce qui concerne les biens, les services, les installations, le logement, l’emploi, les bâtiments, les constructions et les locaux au plus tard le 1er janvier 2025 » et à permettre à ces personnes de participer aux différents secteurs de l’économie18.
Fait important, cette loi prévoit des normes et des règlements (ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre), de même que des pénalités administratives, notamment des amendes, pour les contrevenants.
Depuis l’adoption de la loi sur l’accessibilité de l’Ontario, les gouvernements du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie‑Britannique, ainsi que le gouvernement fédéral, ont tous pris des mesures afin d’adopter une législation sur l’accessibilité, bien qu’aucune loi ne soit encore entrée totalement en vigueur.
Malgré les programmes et les politiques déjà en place dans nombre de territoires et de provinces, et ceux en cours d’élaboration, il reste beaucoup à faire pour combler les inégalités en matière d’emploi et de revenu.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont recensé un certain nombre de changements politiques dont l’adoption pourrait améliorer les conditions d’emploi des personnes ayant une incapacité et réduire les écarts de revenu, tels que :
- favoriser l’accès aux mesures de soutien et l’intervention précoce afin que les personnes ayant une incapacité puissent recevoir rapidement toute l’aide dont elles ont besoin;
- coordonner les programmes fédéraux avec les programmes provinciaux et territoriaux afin de veiller à une évaluation plus approfondie et à un meilleur accès aux prestations d’invalidité;
- concevoir des programmes et des services de formation professionnelle parfaitement adaptés aux besoins des personnes et des collectivités, plutôt que des programmes généraux censés répondre à toutes les situations;
- améliorer la planification de la transition entre l’école et le travail pour les jeunes ayant une incapacité, en leur offrant notamment des possibilités de perfectionnement des compétences et d’apprentissage, afin de les aider à se préparer à l’emploi;
- veiller à ce que les programmes de protection sociale — par ex. les prestations d’invalidité de longue durée — aident réellement les personnes ayant une incapacité à retourner au travail, au lieu d’avoir un effet dissuasif;
- concevoir, surveiller et évaluer des programmes relatifs au marché du travail qui visent à faciliter et à accroître l’emploi des personnes ayant une incapacité, de manière à ce qu’ils proposent des solutions inclusives plutôt que cloisonnées19, 20.
De son côté, le Conference Board du Canada a récemment consacré une section de son site Web aux pratiques d’emploi accessible. Cette section contient des ressources et des documents pédagogiques qui aideront les organisations à créer un environnement de travail accessible et inclusif pour les personnes ayant une incapacité21.
Améliorer les conditions d’emploi et les possibilités d’emploi des personnes ayant une incapacité contribuera non seulement à garantir leur autonomie et à préserver leur dignité, mais renforcera aussi la cohésion sociale et la capacité socioéconomique de la société.
Notes de bas de page
1 Rubab Arim, « Un profil de l’incapacité chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus, 2012 », dans Enquête canadienne sur l’incapacité, Ottawa, Statistique Canada, 13 mars 2015.
2 Michael J. Prince, Inclusive Employment for Canadians With Disabilities, IRPP, août 2016, p. 3.
3 Ibid.
4 Rubab Arim, « Un profil de l’incapacité chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus, 2012 », dans Enquête canadienne sur l’incapacité, Ottawa, Statistique Canada, 13 mars 2015, p. 9.
5 Michael J. Prince, Inclusive Employment for Canadians With Disabilities, IRPP, août 2016.
6 Rubab Arim, « Un profil de l’incapacité chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus, 2012 », dans Enquête canadienne sur l’incapacité, Ottawa, Statistique Canada, 13 mars 2015.
7 Ibid.
8 Michael J. Prince, Inclusive Employment for Canadians With Disabilities, IRPP, août 2016, p. 3.
9 Statistique Canada, Enquête sociale générale.
10 Michael J. Prince, Inclusive Employment for Canadians With Disabilities, IRPP, août 2016.
11 Ibid.
12 Rubab Arim, « Un profil de l’incapacité chez les Canadiens âgés de 15 ans ou plus, 2012 », dans Enquête canadienne sur l’incapacité, Ottawa, Statistique Canada, 13 mars 2015, p. 14.
13 Ibid., p. 17.
14 Ibid.
15 Gouvernement du Canada, Convention relative aux droits des personnes handicapées, 2014.
16 Gouvernement du Canada, Fonds d’intégration pour les personnes handicapées.
17 Gouvernement du Canada, Convention relative aux droits des personnes handicapées, 2014.
18 Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, 2005.
19 OCDE, Maladie, invalidité et travail, 2010.
20 OMS, Rapport mondial sur le handicap, 2011.
21 Le Conference Board du Canada, Accessible Employment Practices.