Qui soccupe des aidants? La vague cachee des defis des aidants pendant la COVID-19

By: Isabella Moroz, Lyra Halili, Monika Slovinec D’Angelo

Introduction

En tant que professionnelle, épouse, mère et aidante de mon père atteint d’une maladie d’Alzheimer précoce, j’ai connu des niveaux sans précédent d’épuisement, de chagrin et de perte dans le cadre de la pandémie de COVID-19 […] Cette dernière année a consisté [en] d’interminables calculs risques-avantages entre sa sécurité et son bien-être social tout en bricolant des ressources et du répit.

Aide-soignante (Anonyme)

Plus d’un demi-million de Canadiens vivent avec une démence1. 1 On prédit que ce nombre doublera quasiment d’ici 2033.2 La démence désigne un ensemble de symptômes associés à un déclin progressif de la fonction cognitive, caractérisé par une perte de mémoire, des difficultés de réflexion, de comportement, de langage et d’exécution des activités quotidiennes.3 Bien qu’il existe de nombreux types et causes de démence, la maladie d’Alzheimer (MA) est la cause la plus courante.4 Les aidants non rémunérés, généralement des membres de la famille, des amis et des voisins, jouent un rôle essentiel dans la vie des personnes atteintes de démence en les aidant à résider en toute sécurité chez elles et dans leur communauté. Dans le contexte actuel de la crise de la COVID-19, les répercussions financières, physiques, émotionnelles et sur la santé mentale des aidants risquent de passer inaperçues.

Les défis auxquels sont confrontées les personnes vivant avec une démence ou une MA

  • L’accès restreint aux services cliniques et aux évaluations diagnostiques en personne signifie que les Canadiens souffrant de troubles cognitifs légers (DCL) et de MA précoce peuvent avoir manqué l’occasion de recevoir un diagnostic et des interventions thérapeutiques précoces.5 Le DCL se caractérise par un déclin notable des capacités cognitives et est associé à un risque accru de développer la MA ou une autre démence.6 On s’attend à ce que les retards dans l’accès aux soins compliquent l’éventuelle prise en charge de ces patients, en particulier si une thérapie modificatrice de la maladie ciblant les premiers stades de la MA devient disponible.
  • Les personnes atteintes de démence ou de la maladie d’Alzheimer ont subi une perte soudaine de leurs soutiens sociaux, de leurs réseaux de soignants, de l’annulation de services quotidiens et de l’interruption de leurs routines. La pandémie a contribué à accentuer l’isolement, à aggraver l’anxiété et la dépression et à détériorer l’état de santé général des personnes atteintes de démence.7,8
  • Au cours de la première vague de la pandémie, la démence ou la MA ont été identifiées comme les comorbidités les plus courantes liées aux décès dus au COVID-19.9

Les défis des aidants

  • Trente-cinq pour cent de la main-d’œuvre canadienne fournit des soins informels à une personne souffrant d’une affection de longue durée telle que la démence.10> Les femmes âgées de 35 à 44 ans représentant une grande partie de ceux qui prennent soin d’une personne atteinte de démence.11La COVID-19 a augmenté les demandes de soins informels affectant des systèmes familiaux entiers et compromettant l’équilibre entre la prestation de soins, l’emploi rémunéré et la prise en charge des jeunes enfants.
  • Les soignants salariés, en particulier les femmes, doivent s’absenter de leur travail ou réduire considérablement leurs heures de travail rémunérées. Les bouleversements sociétaux associés à la pandémie ont exacerbé les difficultés financières et accru la dépendance aux femmes en tant que mères et aidantes. Depuis le début de la pandémie, près de 100 000 femmes ont quitté le marché du travail canadien, comparativement à moins de 10 000 hommes.12
  • Plus d’un aidant canadien sur trois était en détresse avant la pandémie. Les facteurs qui ont contribué à cette situation sont les suivants : fournir des soins infirmiers et médicaux à domicile avec une formation limitée, naviguer les systèmes de santé et sociaux complexes et fragmentés, et être habilité à consentir pour autrui.13
  • Avant la pandémie, les aidants de personnes atteintes de démence fournissaient en moyenne 26 heures par semaine de soins non rémunérés, comparativement à 17 heures pour les personnes âgées.14 Les restrictions liées à la pandémie ont accentué les exigences quotidiennes des aidants : 54 % ont estimé qu’il était plus difficile de gérer les tâches d’aidant car les services de répit ont été suspendus et continuent d’être limités.15 Les soignants doivent faire face à des demandes de soins plus intenses et constantes, sans pause, ce qui contribue à l’épuisement, à la détresse et à la réduction du fonctionnement dans d’autres rôles.

Où sommes-nous maintenant?

La pandémie de la COVID-19 a mis en évidence les faiblesses systémiques qui prévalent au sein de nos systèmes de santé lorsqu’il s’agit de prendre soin des personnes les plus vulnérables de la société. Le Canada n’a pas encore mis en œuvre les changements structurels à grande échelle dans les systèmes de santé qui sont nécessaires pour combler les lacunes dans les soins aux personnes atteintes de démence révélées par la COVID-19. Malgré le lancement d’une stratégie pancanadienne sur les démences en 2019, aucun progrès n’a été réalisé dans les domaines prioritaires de la stratégie. Il est maintenant encore plus nécessaire d’agir de toute urgence sur ces priorités. Comme la population canadienne continue de vieillir rapidement, il est essentiel d’investir davantage dans la création d’une infrastructure permettant d’optimiser les services de soins à domicile et en milieu communautaire. Cela comprend le diagnostic en temps opportun et les interventions précoces pour le DCL et la MA afin d’alléger les demandes des soignants. Les systèmes de santé du Canada présentent actuellement des lacunes à cet égard. Un diagnostic et un traitement en temps opportun peuvent améliorer le pronostic des patients atteints de démence et améliorer la santé et le bien-être de leurs aidants. Comme la perspective d’un DMT pour le traitement des premiers stades de la MA est imminente, la mise en place d’une infrastructure capable de soutenir efficacement l’accès à de telles thérapies devrait devenir une priorité parallèle.

Remerciements

Cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier de Biogen Canada.


1 Alzheimer Society (2016), “Prevalence
and Monetary Costs of Dementia in Canada

2 Ibid
3 World Health Organization, “Dementia”,
4 Ibid
5 Geddes (2020), “Remote cognitive and
behavioural assessment: Report of the Alzheimer Society of Canada Task Force on dementia care best practices for
COVID-19.
”,
6 Alzheimer’s Association, “Mild
Cognitive Impairment (MCI).
”,
7 Chu (2020), “Remote cognitive and
behavioural assessment: Report of the Alzheimer Society of Canada Task Force on dementia care best practices for
COVID-19.
”,
8 Hwang (2020), “Loneliness and social isolation during
the COVID-19
pandemic.
”,
9 Statistics Canada (2020), “COVID-19 death
comorbidities in Canada
”,
10 Government of Canada, “When Work and
Caregiving Collide:
How Employers can Support their Employees who are Caregivers.
”,
11 Statistics Canada (2013),“”,
12 RBC (2021), “COVID
further clouded the outlook for Canadian women at risk of disruption.
”,
13 CIHI, “1 in 3 unpaid
caregivers in Canada are distressed.
”,
14 Stall (2019), “We should care more about
caregivers
”,
15 CIHI, “Unpaid caregiver
challenges and supports
”,
16 Ontario Caregiver Organization (2020), “2020
Spotlight on Ontario Caregivers – COVID-19 Edition

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