Recherche-développement des entreprises

Messages clés

  • Huit provinces se voient attribuer un D– et se classent en queue de peloton pour ce qui est de la R-D des entreprises.
  • Le Québec est la province canadienne la mieux classée, mais elle n’obtient qu’un C. Neuf des 16 pays de comparaison font mieux qu’elle.
  • Si les entreprises font plus de R-D dans les pays de comparaison et dans les pays de l’OCDE de façon générale, les entreprises canadiennes en font moins depuis plus de 15 ans.

Pourquoi la R-D des entreprises est-elle importante pour l’innovation?

La recherche-développement des entreprises (R-D des entreprises) est un indicateur important de la volonté de celles-ci d’innover et un intrant clé de nombreux types d’innovation à forte valeur ajoutée. Bien que la R-D ne constitue pas une mesure directe de la performance en matière d’innovation — parce que ce type d’investissements peut être mal choisi et que les résultats utiles ne sont pas garantis —, la mise au point ou l’amélioration de produits, de procédés et de services nécessitent souvent des travaux de R-D.

Les travaux de R-D « signalent l’attachement de l’entreprise à la production systématique et à l’application commerciale de nouvelles idées », d’après le Comité d’experts sur l’innovation dans les entreprises du Conseil des académies canadiennes1. De fait, la R-D montre qu’une entreprise entend sérieusement étudier ou générer de nouvelles idées afin de les transformer en produits, services ou procédés nouveaux ou améliorés.

Des études montrent qu’il existe un lien entre la R-D des entreprises — parfois appelée RDE — et la croissance de la productivité et du PIB. Dans une étude portant sur plusieurs pays, l’OCDE constate qu’« une augmentation soutenue de 0,1 % du ratio des dépenses de recherche — développement des entreprises (DIRDE) au PIB d’un pays se traduit à terme par une augmentation de 1,2 % du PIB par habitant, toutes choses étant égales par ailleurs2 ». Donc, l’activité de R-D des entreprises donne une indication utile, bien que partielle et imparfaite, de la performance des entreprises en matière d’innovation.

Comment les provinces s’en sortent-elles par rapport aux pays de comparaison?

Les provinces continuent d’obtenir de très mauvaises notes à l’indicateur de la R-D des entreprises par rapport aux pays de comparaison. Comme dans le dernier bilan comparatif, huit provinces se voient attribuer un D – et occupent les derniers rangs du classement général. La R-D des entreprises en pourcentage du PIB ne s’élève qu’à 0,74 % en Colombie-Britannique — soit moins du tiers des 2,58 % dépensés par les entreprises du premier du classement, à savoir le Japon. Avec seulement 0,3 % du PIB — moins du huitième de la R-D des entreprises japonaises — l’Île-du-Prince-Édouard recule de cinq places et se retrouve dernière au classement des 26 régions.

Le Japon (2,58 % du PIB) rejoint la Suisse (2,43 %), la Suède (2,29 %) et l’Autriche (2,21 %) au rang des seuls pays de comparaison à décrocher un A à cet indicateur. La Finlande, deuxième au précédent bilan comparatif, passe à la 7e place et n’obtient plus qu’un B cette fois, l’activité de R-D des entreprises passant de 2,28 % à 1,93 % en pourcentage du PIB.

Le Québec fait mieux que toutes les autres provinces, la R-D des entreprises s’élevant à 1,31 % du PIB. Or, la province se classe derrière neuf pays de comparaison et dépense à peine plus que la moitié de ce que les entreprises japonaises dépensent en pourcentage du PIB. Cette performance lui vaut un C. L’Ontario obtient un D pour une intensité de R-D des entreprises égale à 1,12 % du PIB — soit un peu plus qu’en 2013. La province fait aussi bien que le Royaume-Uni (1,12 %) et mieux que trois autres pays de comparaison, soit les Pays-Bas (1,11 %), l’Irlande (1,09 %) et la Norvège (1,04 %), et mieux aussi que la moyenne canadienne (0,9 %).

Malgré une petite augmentation de la R-D des entreprises au Canada depuis le dernier bilan comparatif — elle est passée de 0,82 % à 0,9 % en pourcentage du PIB –, le pays stagne toujours à la dernière place par rapport aux pays de comparaison. Il obtient toujours un D depuis les années 1980. La R-D des entreprises y diminue tant en pourcentage du PIB qu’en termes absolus, passant de 15,6 G$ (0,95 % du PIB) en 2011 à 14,8 G$ (0,87 %) en 2013, avant de remonter à 15,9 G$ (0,9 %) en 20153.

Pour arriver à la moyenne des pays de comparaison de 1,69 %, et se hisser parmi les 10 premiers du classement international, l’intensité de R-D de ses entreprises devrait doubler. Et même là, le Canada n’obtiendrait qu’un C.

Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?

Avec un C, le Québec est la province la mieux classée, suivie de l’Ontario qui obtient un D. Dans ces deux provinces, la R-D des entreprises est supérieure à 1 % du PIB. La Colombie-Britannique (0,74 %) et l’Alberta (0,59 %) se classent respectivement troisième et quatrième parmi les provinces, mais n’obtiennent cependant qu’un D– par rapport aux pays de comparaison. Le Manitoba, la Saskatchewan et les quatre provinces de l’Atlantique se voient également attribuer un D–, la R-D des entreprises y étant inférieure à 0,5 % du PIB.


La performance provinciale a-t-elle évolué au fil du temps?

De 1991 à 2001, la R-D des entreprises a augmenté en pourcentage du PIB dans toutes les provinces sauf au Nouveau-Brunswick et en Alberta où elle a légèrement diminué. En 2001, le Québec (1,74 %) et l’Ontario (1,7 %) occupaient, respectivement, le quatrième et cinquième rang du classement général à cet indicateur.

Pendant un ou deux ans après le krach des compagnies point-com en 2001, la R-D des entreprises a baissé dans presque toutes les provinces et les pays de comparaison. Depuis, toutefois, elle est repartie graduellement à la hausse dans les pays de comparaison, mais elle s’est effondrée dans la plupart des provinces et au Canada dans son ensemble.

De 2002 à 2012, la R-D des entreprises a baissé en pourcentage du PIB dans sept provinces. Le Québec et l’Ontario ont tous deux perdu plus de 0,33 %, ce qui les a fait reculer vers le milieu du classement général. Seules Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et l’Alberta ont vu la R-D de leurs entreprises augmenter, mais comme elles partaient de très loin et que la croissance a été forte dans les pays de comparaison, cette augmentation n’a pas suffi à les tirer des profondeurs du classement.

Depuis 2013, on note une petite augmentation de la R-D des entreprises dans certaines provinces et au Canada en général, mais elle n’est pas assez importante pour changer quoi que ce soit ni aux notes ni au classement.


Pourquoi les provinces accusent-elles un retard en matière de R-D des entreprises?

Au fil des années, on a avancé et examiné de nombreuses thèses pour expliquer la faible performance du Canada en matière de R-D des entreprises. L’économie canadienne compte une plus forte proportion d’entreprises dans les ressources naturelles que beaucoup pays de comparaison. Ce secteur des ressources dépense généralement moins en R-D que les autres.  En particulier, le secteur manufacturier pèse bien davantage que celui de l’exploitation minière et de l’extraction du pétrole et du gaz dans l’économie des deux provinces les mieux classées, à savoir le Québec et l’Ontario. En revanche, dans les provinces où les mines et l’extraction des hydrocarbures occupent une place importante de l’économie — en particulier Terre-Neuve-et-Labrador, l’Alberta et la Saskatchewan —, l’intensité de R-D des entreprises est faible4.

Cependant, dans son analyse, le Comité d’experts sur l’innovation dans les entreprises du Conseil des académies canadiennes constate que « le niveau de dépenses en R-D des entreprises dans les mêmes secteurs est généralement inférieur au Canada qu’aux États-Unis et explique mieux cet écart […] que la composition sectorielle de l’économie canadienne — c’est-à-dire le poids plus élevé dans l’économie canadienne des industries axées sur les ressources et des autres sphères d’activité, où les dépenses en R-D sont intrinsèquement faibles5. » En fait, comparée aux moyennes de l’OCDE, l’intensité de R-D canadienne est meilleure dans seulement sept secteurs sur 23 et sensiblement meilleure dans seulement quatre sur 236. À quelques exceptions près, l’intensité de R-D des entreprises canadiennes, tous secteurs confondus, est inférieure à celle des entreprises des autres pays de l’OCDE.

La baisse de R-D des entreprises au Canada tient en grande partie à la santé déclinante du secteur manufacturier et à la faible intensité de R-D des secteurs qui prennent le relais. Depuis 2000, l’intensité de la R-D dans le secteur manufacturier canadien s’établit en moyenne à 4,2 % en pourcentage du PIB, ce qui est beaucoup plus élevé que dans la construction (0,08 %), les mines, le pétrole et le gaz (0,67 %) et le secteur des services (0,82 %). Quand le secteur manufacturier représentait près de 20 % du secteur total des entreprises en l’an 2000, il avait une intensité de R-D plus élevée, ce qui avait amélioré la performance globale du Canada. Mais étant donné que le secteur manufacturier ne représente plus depuis 2014 que 13 % du secteur des entreprises et que son intensité de R-D a reculé de 4,3 à 3,9 %, cette tendance passée à faire remonter les taux généraux de R-D des entreprises du Canada a fléchi. Cette part du marché a été remplacée par la croissance de la construction et des services, deux secteurs qui dépensent très peu en R-D. Bref, le déclin d’un des seuls secteurs canadiens à forte intensité de R-D a exposé la faiblesse d’autres secteurs.

La santé du secteur manufacturier influence la R-D des entreprises au Canada

  Part du secteur des entreprises (%)   Intensité de R-D
(R-D en % du PIB)
2000 2008 2014   2000 2008 2014
Agriculture, foresterie, pêche et chasse 2,2 2,1 2,0   0,42 0,53 0,32
Exploitation minière et extration le pétrole et de gaz 10,9 10,0 10,4   0,17 0,81 1,04
Services publics 3,3 3,1 3,0   0,75 0,58 0,54
Construction 6,9 8,2 8,8   0,07 0,12 0,06
Fabrication 19,6 14,7 13,0   4,34 4,37 3,91
Services 57,1 61,9 62,8   0,60 1,00 0,87

Sources : Statistique Canada; Le Conference Board du Canada.

Des problèmes de données pourraient-ils expliquer la piètre performance du Canada?

Dans un rapport de 20167, l’Impact Centre de l’Université de Toronto propose une autre explication à une partie au moins de la faiblesse de la R-D des entreprises canadiennes et du déclin de celle-ci. Selon ce rapport, les méthodes de collecte de données et de production de rapports de Statistique Canada et de l’OCDE sont différentes. Le rapport souligne en particulier deux différences. Premièrement, le Canada ne rend pas compte des dépenses des entreprises dans la recherche en sciences humaines, alors que d’autres pays le font. Deuxièmement, on tient compte ailleurs dans l’OCDE, mais pas au Canada, de la R-D qui se sert de connaissances existantes (pour améliorer des produits, des services et des procédés), mais n’en crée pas de nouvelles.

Se fondant sur une analyse illustrée par une poignée d’entreprises, l’Impact Centre laisse entendre que ces différences pourraient avoir pour effet de sous-estimer l’ampleur de la R-D canadienne de 73 %. Appliqué au présent bilan comparatif, ce changement propulserait le Canada de la 16e à la 11e place du classement international, mais il n’obtiendrait encore qu’un D. Autrement dit, l’effet est important, mais même en corrigeant les données, le Canada resterait parmi les pays retardataires en matière de R-D des entreprises.

La difficulté soulevée par le rapport de l’Impact Centre est importante et nécessite une étude plus approfondie. Par exemple, ce rapport affirme qu’on ne fait pas état de la recherche en sciences humaines, mais Statistique Canada tient compte de la recherche en sciences humaines dans ses tableaux sur la R-D8. Il est possible que ce que Statistique Canada compte comme recherche en sciences humaines ne corresponde pas aux pratiques de l’OCDE, mais ce n’est pas clair. De plus, la méthode utilisée par l’Impact Centre pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration repose sur un échantillonnage de dix entreprises seulement, ce qui est loin d’être suffisant pour arriver à des conclusions générales.

Néanmoins, s’il existe des différences entre les données de Statistique Canada et celles de l’OCDE, les organismes qui les recueillent et en rendent compte devraient y remédier. Il est essentiel de recueillir des ensembles de données exactes et comparables pour comprendre la capacité d’innovation du Canada et sa performance en la matière.

Que peuvent faire les provinces pour améliorer leur performance en matière de R-D des entreprises?

La performance des provinces et du Canada dans son ensemble est déterminée en partie par des éléments structurels de l’économie. Tant que le secteur manufacturier n’occupera pas de nouveau une place plus importante dans l’économie et que l’intensité de R-D ne sera pas plus élevée pour avoir une incidence plus forte sur la R-D globale des entreprises — ou que d’autres secteurs n’augmenteront pas leur intensité de R-D —, le Canada restera à la traîne.

Cependant, même si un redressement manufacturier peut être une bonne chose pour bien des raisons, le fait d’espérer une reprise tout simplement pour voir une amélioration de la R-D des entreprises, risque de faire perdre de vue l’essentiel : presque tous les autres secteurs de l’économie canadienne font peu de R-D par rapport aux pays de comparaison. À cet égard, une amélioration est possible et s’impose d’ailleurs dans toutes les sphères de l’économie, que le secteur manufacturier se redresse ou pas.

Face à une concurrence accrue et à des défis économiques et démographiques persistants, il se peut que les chefs d’entreprise de différents secteurs se rendent compte qu’il est plus risqué de ne pas faire de R-D que d’en faire. En accroissant graduellement la concurrence — par exemple, en signant de nouveaux accords commerciaux et en éliminant des mesures protectionnistes persistantes —, tout en encourageant de façon ciblée la R-D dans des secteurs clés de l’économie, cela peut contribuer à une augmentation de l’activité de R-D des entreprises canadiennes.

Si l’on se contente d’augmenter les aides publiques à la R-D des entreprises, cela risque d’avoir des avantages limités. En fait, le type de soutien à la R-D des entreprises peut compter plus que le montant du financement. Dans ce bilan comparatif, les aides publiques canadiennes à la R-D des entreprises en pourcentage du PIB (0,17 %) sont supérieures à celles de sept des pays de comparaison mieux classés que le Canada, y compris les trois premiers du classement, à savoir le Japon (0,15 %), la Suisse (0,03 %) et la Suède (0,13 %)9.


Sur les sept premiers du classement international au bilan comparatif, quatre ne fournissent aucune aide indirecte à la R-D des entreprises sous forme d’incitations fiscales, à savoir la Suisse, la Suède, l’Allemagne et la Finlande. Leur soutien est entièrement direct. Les États-Unis, autre pays qui mène en matière de R-D des entreprises, penchent nettement en faveur d’une aide directe (72 % d’aide directe contre 28 % d’aide indirecte). L’Autriche, quatrième au classement, opte pour pratiquement autant d’aide publique directe à la R-D des entreprises (48 %) qu’indirecte (52 %).

En revanche, en 2015, seulement une proportion de 24 % de l’aide publique canadienne était directe, tandis que près de 76 % de l’aide était indirecte et prenait la forme d’incitations fiscales. Le premier de la classe, le Japon, suit le modèle canadien (20 % d’aide directe, 80 % d’aide indirecte), mais c’est plutôt l’exception que la règle dans la plupart des pays de tête. En fait, étant donné que la plupart des pays bien classés fournissent une aide directe (dans une large mesure ou en totalité), il est bon de se demander s’il ne serait pas justifié d’orienter la politique canadienne vers une aide directe.

Cependant, la R-D des entreprises ne s’améliore que lorsque les entreprises commencent à dépenser plus à ce chapitre. Pour ce qui est des mesures pour remédier à la faiblesse de la R-D des entreprises au Canada, il faudra regarder plus loin que les politiques et s’intéresser aux facteurs qui sous-tendent les décisions des entreprises à cet égard dans chaque province.

Notes de bas de page

1     Comité d’experts sur l’innovation dans les entreprises, innovation et stratégie d’entreprise : pourquoi le Canada n’est pas à la hauteur, Ottawa, Conseil des académies canadiennes, 2009, p. 57.

2    Ibid., 50, citation de l’OCDE, Les sources de la croissance économique dans les pays de l’OCDE, Paris, OCDE, 2004.

3    Les dépenses sont exprimées en dollars constants de 2007.

4    Comité d’experts sur l’état de la R-D industrielle au Canada, L’état de la R-D industrielle au Canada, Ottawa, Conseil des académies canadiennes, 2013, p. 108-112.

5    Comité d’experts sur l’innovation dans les entreprises, innovation et stratégie d’entreprise, p. 7.

6    Comité d’experts sur l’état de la R-D industrielle au Canada, L’état de la R-D industrielle au Canada, p. 24-25.

7    Impact Centre, Canada’s Business Spending on R&D Isn’t as Low as We Think, Toronto, Impact Centre, 2016.

8    Statistique Canada, tableau CANSIM 358-0001, Dépenses intérieures brutes en recherche et développement, selon le type de science et selon le secteur de financement et le secteur d’exécution.

9    OCDE, Measuring Tax Support for R&D and Innovation, Paris, OCDE, 2016.