Pauvreté

Messages clés

  • L’Alberta arrive en tête avec la note « A » et obtient une 3e place après le Danemark et la Finlande.
  • Sept provinces ont un taux de pauvreté plus élevé que l’ensemble des pays de comparaison, à l’exception du Japon et des États‑Unis.
  • Le Canada obtient un « C » au classement général et occupe la 13e place parmi les 16 pays de comparaison.

La pauvreté mise en contexte

Le programme du Conference Board intitulé Les performances du Canada a pour principal objectif de mesurer la qualité de vie au Canada et dans les pays comparables. La pauvreté affecte la qualité de vie non seulement des pauvres, mais de tous les membres de la société. Elle peut faire augmenter les taux de criminalité, de maladie et de toxicomanie et dégrader les résultats scolaires, ce qui, à son tour, rejaillit sur l’économie sous la forme d’une baisse de productivité. Elle peut aussi mener à la discrimination, à l’inégalité et à l’exclusion sociale. La conclusion qu’en a tiré l’OCDE est que « le fait de ne pas s’attaquer à la pauvreté et à l’exclusion qui affectent des millions de familles et leurs enfants n’est pas seulement répréhensible, mais porte également gravement atteinte à la capacité des pays d’assurer leur croissance économique dans les années à venir1 » [traduction].

D’après les données de l’OCDE (on ne dispose pas de données comparables au niveau régional), nous voyons que le taux de pauvreté infantile du Canada est élevé par rapport à celui des pays de comparaison. En fait, le Canada a le 2e taux de pauvreté le plus élevé des 16 pays de comparaison – seuls les États-Unis font moins bien.

Comment calcule-t-on le taux de pauvreté?

Il est possible de mesurer le taux de pauvreté en termes aussi bien absolus que relatifs. Pour déterminer s’il y a pauvreté absolue, on se questionne à savoir si les intéressés sont capables d’atteindre le seuil de survie de base. C’est une norme fixe qui ne change habituellement pas au fil du temps. Par exemple, la proportion de la population qui vit avec moins de 1,90 $ par jour est une mesure de la pauvreté absolue utilisée par la Banque mondiale2. Selon l’UNESCO, « [l]e concept de pauvreté absolue n’a rien à voir avec les questions plus vastes de la qualité de vie ou avec le niveau global d’inégalité dans la société. Il oublie, par conséquent, que les intéressés ont d’importants besoins sociaux et culturels3 » [traduction]. La pauvreté relative, quant à elle, se définit comme « se référant à la situation économique d’autres membres de la société : les gens sont pauvres s’ils n’ont pas le niveau de vie courant dans un contexte sociétal donné4 » [traduction].

Pour notre indicateur de pauvreté, nous utilisons des mesures de faible revenu (MFR), qui sont des mesures relatives du revenu visant à évaluer la façon dont les intéressés s’en sortent en comparaison avec la population en général. Pour une région ou un pays donné, le seuil de pauvreté se situe à 50 % du revenu médian national. Le taux de pauvreté correspond à la proportion de la population dont le revenu disponible (après impôts et transferts gouvernementaux) est inférieur à ce seuil de pauvreté.

Les données sur la pauvreté concernant les pays de comparaison, le Canada et les provinces proviennent de la base de données de l’OCDE sur le bien-être régional. Statistique Canada a également publié des données sur la pauvreté relative au Canada et dans les provinces, mais elles ne sont pas comparables à celles de l’OCDE, en raison des concepts et des éléments différents utilisés pour mesurer les faibles revenus5.

Comment se classent les provinces par rapport aux pays comparables au Canada en ce qui concerne le taux de pauvreté?

Ses performances exceptionnelles et le taux de pauvreté le plus faible de toutes les provinces valent à l’Alberta d’obtenir un « A » et d’arriver au 3e rang du classement général. Avec un taux de pauvreté de 7,2 % en 2013, la province se classe juste derrière le Danemark (5,4) et la Finlande (6,8).

La deuxième province après l’Alberta est la Saskatchewan, qui occupe seulement la 14e place au classement général et obtient un « B » avec un taux de pauvreté de 11,3 %, juste derrière la Belgique (10) et le Royaume-Uni (10,7). Terre-Neuve-et-Labrador se classe juste derrière la Saskatchewan et obtient un « C » avec un taux de pauvreté de 12,1 %.

Au classement général, le Canada se classe au 13e rang parmi les 16 pays de comparaison, avec un « C » pour son taux de pauvreté de 12,6 % en 2013. Sept provinces, notées « C » également, se situent en dessous de la moyenne nationale : le Québec (13,0), le Nouveau-Brunswick (13,3), l’Ontario (13,5), le Manitoba (13,7), la Colombie-Britannique (13,8), la Nouvelle-Écosse (14,2) et l’Île-du-Prince-Édouard (14,4). Ces provinces ne devancent que deux pays de comparaison : le Japon (16) et les États-Unis (17,5).

Comment les provinces s’en sortent-elles les unes par rapport aux autres?

L’Alberta a le plus faible taux de pauvreté de toutes les provinces. La Saskatchewan occupe la deuxième place parmi les provinces, bien que son taux de pauvreté de 11,3 % soit de 4 points de pourcentage supérieur à celui de la mieux classée, l’Alberta. La plupart des provinces se classent en deçà de la moyenne nationale avec des taux de pauvreté situés dans une fourchette de 13 à un peu plus de 14 %. L’Île-du-Prince-Édouard avait le taux de pauvreté le plus élevé en 2013 – un taux de 14,4 %, deux fois plus élevé que celui de l’Alberta.

N’oublions pas, toutefois, que l’année de référence de ces données est 2013, avant le choc des produits de base qui a frappé les provinces tributaires des ressources naturelles que sont l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador. Dès que des données plus actuelles seront disponibles, le classement des provinces changera probablement.

Existe-t-il des données comparables pour les territoires?

Non. Malheureusement, l’Enquête canadienne sur le revenu de Statistique Canada, où l’OCDE a puisé les données nécessaires pour calculer le taux de pauvreté du Canada, n’englobe pas les territoires. Nous ne sommes donc pas en mesure d’évaluer les performances des territoires selon cet indicateur par rapport aux pays comparables.

Il est cependant important d’examiner les résultats sociaux des territoires, surtout que le taux de pauvreté des populations autochtones est nettement plus élevé que celui des populations non autochtones. Les territoires ont la plus forte proportion d’Autochtones de tout le pays (le Yukon, les Territoires-du-Nord-Ouest et le Nunavut en comptent respectivement 23, 52 et 86 %)6.

Au cours du printemps ou de l’été prochain, le Conference Board envisage de publier un rapport distinct sur le rendement social des territoires dans la série Les performances du Canada. Il y examinera les taux de pauvreté ainsi que d’autres mesures sociales clés.

Les enfants élevés dans des familles monoparentales dirigées par une femme sont particulièrement vulnérables. En 2014, le taux de pauvreté enregistré au Canada chez les enfants de moins de 18 ans élevés dans des familles monoparentales dirigées par une femme était de 45 %11.

Comment les taux de pauvreté ont-ils évolué au Canada et dans les provinces au fil du temps?

Il n’est pas possible d’examiner les performances passées selon l’indicateur utilisé pour ce bilan comparatif du fait que l’OCDE n’a commencé que récemment à recueillir et diffuser des données sur la pauvreté au niveau régional. Les MFR de Statistique Canada montrent toutefois que le taux de pauvreté du Canada est resté assez stable ces dernières décennies, oscillant entre 12 et 14 %. En fait, le taux de 1976 est le même que celui de 2014, dernière année pour laquelle on dispose de données. La pauvreté au Canada a temporairement baissé dans les années 1980, pour atteindre un creux de 10,5 % en 19897.

Les taux de pauvreté dans les économies de ressources comme celles de l’Alberta, de la Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador affichent une tendance à la baisse depuis la fin des années 1970. L’Ontario, qui a connu une évolution opposée, a enregistré ses taux les plus élevés au cours de la dernière décennie.

Les taux de pauvreté des provinces, et, par conséquent, leurs classements relatifs, peuvent varier énormément d’une année à l’autre à cause de la variabilité de l’échantillonnage, surtout dans les petites provinces. Par exemple, les données sur l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador ont un coefficient de variation plus élevé, dans une fourchette de 8 à 16 % – pour la plupart des provinces, il se situe entre 4 et 8 %. Les données sur l’Alberta ont également un coefficient de variation de 8 à 16 %8. Il se peut que les chiffres concernant l’Alberta varient davantage d’une année à l’autre parce qu’il y a moins de gens à faible revenu dans cette province.

Où se situent le Canada et ses provinces au chapitre de la pauvreté des enfants et des personnes âgées?

À l’aide des données de l’OCDE, nous pouvons examiner le rendement en matière de pauvreté chez les enfants et les personnes âgées au niveau national par rapport aux pays de comparaison. Mais la base de données régionale de l’OCDE rend seulement compte de la pauvreté de la population totale de chacune des régions et ne contient pas de données par cohorte d’âges. Il n’est donc pas possible de comparer les provinces à leurs homologues internationales pour ce qui est de la pauvreté des enfants et des personnes âgées.

Il nous est toutefois possible de voir où se situent les provinces les unes par rapport aux autres à l’aide des données de l’Enquête canadienne sur le revenu de Statistique Canada. D’après les MFR de Statistique Canada, on constate que l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard avaient le plus faible taux de pauvreté en 2014, dernière année pour laquelle nous disposons de données, soit 9 %. Le Manitoba et le Nouveau-Brunswick avaient le taux le plus élevé en 2014, selon les MFR. À 22 %, le taux de pauvreté du Manitoba atteint plus de deux fois et demie celui de l’Alberta, la province la mieux classée9.

Le taux de pauvreté infantile du Canada dans son ensemble était de 14,7 % en 2014. Le taux de pauvreté national est relativement constant depuis plusieurs décennies, fluctuant entre 14 et 17 % au cours des années.

D’après les données de l’OCDE (on ne dispose pas de données comparables au niveau régional), nous voyons que le taux de pauvreté infantile du Canada est élevé par rapport à celui des pays de comparaison. En fait, le Canada a le 2e taux de pauvreté le plus élevé des 16 pays de comparaison – seuls les États‑Unis font moins bien.

Pour ce qui est de la pauvreté chez les personnes âgées, l’Alberta est une fois de plus la province la plus performante de toutes, avec un taux de seulement 4 % en 2014. L’Ontario avait le 2e plus bas taux de toutes les provinces en 2014, soit 9,2 %.

Les provinces de l’Atlantique se situent à l’autre extrémité du spectre. Près d’un cinquième de la population âgée de 65 ans et plus de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse était pauvre en 2014 (selon les MFR), tandis que Terre-Neuve-et-Labrador et le Nouveau-Brunswick affichaient des taux de pauvreté de 23,5 et de 21,6 % respectivement.

Chez les personnes âgées, le taux de pauvreté national était de 12,5 % en 2014. De la fin des années 1970 au milieu des années 1990, il a baissé de façon régulière, de plus de 30 % en 1977 à tout juste un peu moins de 4 % en 1995. Il s’est toutefois mis à augmenter de la fin des années 1990 à la fin de 2011, puis a légèrement baissé en 2012 et 2013 avant de grimper à nouveau en 2014.

En ce qui concerne la pauvreté chez les personnes âgées, les performances du Canada par rapport aux pays de comparaison sont bien meilleures. Sur les 16 pays, le Canada a le 5e plus faible taux et se classe derrière les Pays-Bas, la France, le Danemark et la Norvège.

Les taux de pauvreté varient-ils selon le sexe?

Les taux de pauvreté restent d’année en année plus élevés chez les femmes que chez les hommes et la différence est particulièrement marquée dans la population âgée. En 2014, le taux de pauvreté global était de 13,5 % chez les femmes et de 12,5 % chez les hommes. Pour les personnes âgées de 65 ans et plus, il était de 14,4 % chez les femmes et de 10,3 % chez les hommes – un écart d’un peu plus de 4 points de pourcentage10.

Les enfants élevés dans des familles monoparentales dirigées par une femme sont particulièrement vulnérables. En 2014, le taux de pauvreté enregistré au Canada chez les enfants de moins de 18 ans élevés dans des familles monoparentales dirigées par une femme était de 45 %11.

La mesure de faible revenu est-elle le meilleur moyen d’évaluer la pauvreté?

Non. C’est l’un des moyens d’évaluer la pauvreté. La mesure de faible revenu (MFR) est souvent utilisée pour faire des comparaisons internationales. Avec les MFR, le taux de pauvreté correspond à la proportion de la population dont le revenu est inférieur à la moitié du revenu familial médian dans une année donnée. C’est une mesure relative qui nous renseigne sur le revenu d’une tranche de la population par rapport au revenu médian de la population en général.

La mesure de faible revenu n’indique pas si ces populations sont capables de satisfaire leurs besoins fondamentaux en matière d’alimentation, d’habillement et de logement. En plus, comme le revenu médian d’une région change d’année en année, le seuil de pauvreté change lui aussi d’une année à l’autre, selon la MFR. L’interprétation de cette mesure porte parfois à confusion en période de récession quand le revenu médian baisse, parce que les revenus au bas de l’échelle pourraient bien ne pas baisser autant – si bien que la pauvreté relative peut diminuer durant une récession. De même, la MFR, par définition, implique que la pauvreté sera toujours le lot d’une partie de la population. Selon cette mesure, la pauvreté existera toujours parce qu’il y aura toujours des gens dont le revenu sera inférieur à la moitié du revenu familial médian.

Le seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada est une autre mesure relative de la pauvreté. Il correspond au niveau de revenu en deçà duquel une famille dépensera au moins 20 points de pourcentage de revenu de plus que la famille moyenne pour se nourrir, s’habiller et se loger12. On conclut que les personnes appartiennent au groupe à faible revenu si leur revenu tombe sous ce seuil.

Par exemple, si la famille moyenne d’une région dépense 43 % de son revenu après impôts en nourriture, logement et habillement, le SFR sera alors de 63 %. En d’autres termes, une famille sera considérée comme pauvre si elle dépense 63 % ou plus de son revenu pour satisfaire ces trois besoins fondamentaux.

Contrairement au MFR, le SFR prend en considération non seulement le revenu, mais également les besoins fondamentaux en matière d’alimentation, de logement et d’habillement. Le seuil des 20 points de pourcentage est toutefois arbitraire. Il faut aussi préciser que le SFR s’appuie sur des habitudes de dépenses datant de 1992. On le calcule pour une année donnée en multipliant le SFR de 1992 par le taux d’inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC). Les habitudes de dépenses ont sans doute beaucoup changé au cours des 20 et quelques dernières années, surtout en tenant compte des progrès technologiques et de l’usage croissant d’Internet allant jusqu’à la dépendance. Il ne semble donc pas très réaliste de fixer le seuil de pauvreté en fonction de dépenses chiffrées en 1992.

Statistique Canada obtient aussi des données sur les faibles revenus à l’aide de la mesure du panier de consommation (MPC), dont les concepts ont été élaborés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada. C’est une mesure du revenu disponible dont une famille aurait besoin pour acheter le panier de biens nécessaires à la satisfaction de besoins fondamentaux tels que l’alimentation, le logement, le transport et autres. La MPC diffère des autres mesures de faible revenu en ce qu’elle est « plus sensible aux variations géographiques que les autres mesures de faible revenu dans le coût de bon nombre de dépenses types13 ».

La MFR, mesure relative, a des inconvénients, mais elle offre un avantage, soit celui de prendre en considération la question de l’exclusion sociale. Pour faire partie intégrante d’une société, chaque personne doit pouvoir disposer de ressources pas trop éloignées de la norme prévalant dans sa communauté. En tombant en deçà de cette moyenne, elle est exclue de la vie normale de la société. Notons aussi que d’après les recherches sur des données recueillies dans l’Enquête sur les valeurs mondiales, les variations du revenu relatif ont de bien plus fortes répercussions sur le bonheur que celles du revenu absolu14. Enfin, la MFR permet de faire des comparaisons internationales.

Trois façons de mesurer la pauvreté

Mesure Avantages Inconvénients
Mesure de faible revenu (MFR) : Le seuil de pauvreté correspond à la moitié du revenu médian de la population du pays ou de la région.
  • Utile pour les comparaisons internationales;
  • Prend en considération la question de l’exclusion sociale.
  • N’indique nullement si la population est capable de satisfaire ses besoins fondamentaux en alimentation, habillement et logement;
  • Change d’une année à l’autre (en fonction du revenu médian);
  • Risque d’envoyer des messages ambigus sur la pauvreté en période de récession;
  • Implique, par définition, que la pauvreté existera toujours.
Seuil de faible revenu (SFR) : Niveau de revenu en deçà duquel une famille consacrerait au moins 20 points de pourcentage de revenu de plus que la famille moyenne à l’alimentation, à l’habillement et au logement.

Le SFR est fondé sur les habitudes de dépenses de 1992. On calcule celui d’une année donnée en multipliant le SFR de 1992 par le taux d’inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC).
  • Prend en considération les dépenses visant à satisfaire les besoins fondamentaux : alimentation, habillement et logement.
  • Utilise un seuil arbitraire;
  • Est fondé sur des habitudes de dépenses datant de plusieurs décennies;
  • Ne prend pas en considération les différences régionales – p. ex. dans le coût du logement.
Mesure du panier de consommation (MPC) : Mesure du revenu disponible dont une famille aurait besoin pour acheter le panier de biens nécessaires à la satisfaction de besoins fondamentaux tels que l’alimentation, le logement, le transport et autres.
  • Prend en considération les dépenses visant à satisfaire les besoins fondamentaux;
  • Prend en considération les variations géographiques du coût des biens et services.
  • Ne peut être utilisée pour les comparaisons internationales;
  • Ne prend pas en considération l’exclusion sociale.

Ce qu’on peut reprocher aux concepts de pauvreté aussi bien absolue que relative, c’est qu’ils ne sont axés que sur le revenu et la consommation. La question est perçue soit sous l’angle du revenu, soit sous celui des besoins fondamentaux, mais pas sous celui « de la capacité » (ou du contrôle de sa destinée) [traduction]. Une définition de la pauvreté doit aussi tenir compte de « l’absence de certaines capacités fondamentales de faire ou d’être » et prendre en considération non seulement le côté économique, mais aussi les aspects sociaux, politiques et culturels15 [traduction].

Les performances et le rendement provincial relatif varient-ils beaucoup d’une mesure à l’autre au fil du temps?

La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté varie selon que l’on utilise la MFR, le SFR et la MPC. En 2014, le nombre de Canadiens vivant avec un faible revenu selon chacune des trois mesures était le suivant :

  • MFR – 4,5 millions (13 % de la population)
  • SFR – 3 millions (8,8 %)
  • MPC – 3,9 millions (11,3 %)16.

Les trois mesures brossent également un tableau différent au fil du temps :

  • La MFR indique que le taux de pauvreté a baissé de 1976 à 1989, augmenté à partir de 1989, pour baisser à nouveau légèrement ces dernières années. Dans l’ensemble, toutefois, selon la MFR, le taux de pauvreté n’a guère varié depuis la fin des années 1970.
  • Selon le SFR, le taux de pauvreté a baissé de manière semblable de 1976 à 1989, mais augmenté plus fortement de 1989 à 1996 avant de retomber à partir de la fin des années 1990.
  • Les données provenant de la MPC ne sont disponibles que depuis 2002, mais elle indique également une tendance à la baisse du taux de pauvreté.

En comparant les taux de pauvreté provinciaux, on constate que les résultats varient d’une mesure à l’autre. En 2014, selon la MFR de Statistique Canada, l’Alberta avait, de très loin, le taux de pauvreté le plus faible de toutes les provinces, suivi de la Saskatchewan. Toujours selon la MFR, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba affichaient, cette année-là, les taux de pauvreté les plus élevés.

En revanche, selon le SFR, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador avaient les taux les plus faibles en 2014 et l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Manitoba les plus élevés.

Enfin, la MPC, tout comme la MFR, font de l’Alberta la province ayant le plus faible taux de pauvreté en 2014, suivie du Québec et de la Saskatchewan. Toujours selon la MPC, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique avaient les taux les plus élevés cette année-là.

Que font le Canada et les provinces pour réduire la pauvreté?

En 2016, le gouvernement fédéral s’est engagé à élaborer une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Il veut inciter les Canadiens de tout le pays à compléter la stratégie au moyen « de tables rondes en personne avec des organisations autochtones, des entreprises, des organismes communautaires, des experts universitaires et, surtout, des Canadiens qui ont vécu dans la pauvreté17 ». Les personnes et les organismes pourront également soumettre leurs idées en ligne et participer à des forums de discussion et à des séances de discussion ouverte en ligne avec le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

Lors de l’élaboration d’une stratégie de réduction de la pauvreté, il faudra tenir compte du fait que certains groupes risquent plus que d’autres de tomber dans la pauvreté et que celle-ci ne touche pas tous les groupes de la même façon. Les femmes, en particulier celles qui sont à la tête d’une famille monoparentale et les femmes âgées célibataires, sont bien plus touchées par la pauvreté. Les personnes handicapées, les peuples autochtones, les minorités visibles et les immigrants récents comptent également une quantité disproportionnée de pauvres. Pour commencer, il faut chercher des moyens de s’attaquer à l’écart salarial entre les sexes, à l’écart salarial entre immigrants et Canadiens de naissance et à l’écart salarial selon l’origine ethnique.

Il n’est pas facile de déterminer quels doivent être les objectifs concrets d’une stratégie de réduction de la pauvreté du fait qu’il n’y a pas de consensus sur la meilleure façon de mesurer la pauvreté. Dans un premier temps, il faudra donc choisir la mesure adéquate. Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il envisageait de demander aux provinces et territoires et à leurs experts de donner leur avis sur la mesure de la pauvreté18.

En plus d’annoncer son intention d’élaborer une stratégie nationale de réduction de la pauvreté au Canada, le gouvernement fédéral a rappelé que des initiatives ont été prises dans ce sens en 2016, notamment avec l’Allocation canadienne pour enfants, qui peut atteindre jusqu’à 6 400 $ par an pour les enfants admissibles de moins de 6 ans et 5 400 $ par an pour les enfants admissibles de 6 à 17 ans19. Pour lutter contre la pauvreté chez les personnes âgées, on a augmenté la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti pour personnes âgées à faible revenu de 947 $ par an et ramené le seuil d’admissibilité de 67 à 65 ans. Le gouvernement a aussi investi 200,7 M$ dans le logement abordable pour les personnes âgées20. La lutte contre la pauvreté chez les personnes souffrant d’une incapacité a consisté, au niveau national, à élaborer la législation sur l’accessibilité. En améliorant l’accessibilité sur le lieu de travail, on améliore aussi les possibilités d’emploi et, par conséquent, le revenu des personnes ayant une incapacité21.

Plusieurs initiatives ont été prises pour lutter contre la pauvreté des peuples autochtones. Sur le front de l’éducation, le gouvernement a commencé à investir, à partir de 2016-2017, quelque 2,6 G$ sur cinq ans pour améliorer l’enseignement primaire et secondaire ainsi que 969 M$ dans l’infrastructure scolaire des réserves. Il est également en train de mettre au point « un cadre d’éducation préscolaire et de garde des jeunes enfants autochtones, qui reconnaît le besoin d’un accès à un service de garde abordable de qualité et culturellement approprié pour les parents et les enfants autochtones ». En ce qui concerne le logement, il investira 554,3 M$ sur deux ans pour améliorer les conditions de logement et réduire la surpopulation dans les communautés des Premières Nations, ainsi que 177,7 M$ pour répondre aux besoins urgents en matière de logement des communautés inuites et du nord du Canada22.

Au niveau provincial, presque toutes les provinces, à l’exception de la Colombie-Britannique et de l’Île-du-Prince-Édouard, ont élaboré une stratégie de réduction de la pauvreté23. La Saskatchewan, qui a adopté sa première stratégie en 2016, s’est fixé comme objectif de réduire le nombre de ses habitants vivant dans la pauvreté pendant deux ans ou plus de 50 % d’ici à la fin de 2025. La stratégie est axée sur six domaines : la sécurité du revenu, le logement et l’itinérance, le développement des jeunes enfants, l’emploi et la sécurité sanitaire et alimentaire24.

Pour réduire la pauvreté, on s’intéresse de plus en plus à la notion de garantie d’un revenu de base (également connu sous le nom de revenu annuel garanti). Avec une telle garantie, chaque résidant recevrait tous les ans, inconditionnellement, une certaine somme d’argent. Quelques provinces envisagent de mettre en œuvre un projet pilote portant sur le revenu de base. L’Ontario a l’intention de concrétiser un tel projet d’ici le mois d’avril 201725. En décembre 2016, l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard a adopté une motion visant à travailler avec le gouvernement fédéral à la mise en œuvre d’un projet pilote portant sur un revenu de base universel26. La garantie d’un revenu de base suscite également de l’intérêt au Québec; en janvier 2016, le premier ministre Philippe Couillard a nommé François Blais ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale et l’a chargé d’améliorer les instruments de soutien du revenu de la province « dans l’objectif de créer un revenu minimum garanti27 ».

Notes de bas de page

1    OCDE, Combating Poverty and Social Exclusion Through Work, note d’orientation, Paris, OCDE, 2005.

2    Banque mondiale, Données ouvertes de la Banque mondiale (consulté le 24 janvier 2017).

3    UNESCO, Pauvreté (consulté le 4 janvier 2017).

4    Ibid.

5    Par exemple, en calculant le revenu disponible, l’OCDE soustrait aussi bien les impôts sur le revenu que les cotisations sociales, tandis que Statistique Canada ne soustrait que les impôts sur le revenu. De même, dans les chiffres de l’OCDE, le revenu des ménages comprend la valeur des biens et services produits pour leur consommation personnelle en tant qu’élément du revenu d’un travail indépendant, ce qui n’est pas le cas des données de Statistique Canada. De plus, l’OCDE considère comme nul tout élément négatif d’un revenu marchand (p. ex. un revenu d’investissement négatif), tandis que Statistique Canada indique les chiffres négatifs.

6    Statistique Canada, Enquête nationale auprès des ménages, Nombre et répartition de la population déclarant une identité autochtone et pourcentage d’Autochtones au sein de la population, Canada, provinces et territoires, 2011.

7    Statistique Canada, tableau CANSIM 206-0041, Statistiques du faible revenu selon l’âge, le sexe et le type de famille économique, Canada, provinces et certaines régions métropolitaines de recensement (RMR) (consulté le 28 septembre 2016).

8    Ibid.

9    Ibid.

10  Ibid.

11  Ibid.

12  Statistique Canada, Les seuils de faible revenu (consulté le 23 septembre 2016).

13  Statistique Canada, Mesure du panier de consommation (MPC) (consulté le 28 septembre 2016).

14  Richard Ball et Kateryna Chernova, « Absolute Income, Relative Income, and Happiness », Social Indicators Research, vol. 88, no 2, 2007, p. 497.

15  UNESCO, Pauvreté (consulté le 24 janvier 2017).

16  Statistique Canada, tableau CANSIM 206-0041, Statistiques de faible revenu selon l’âge, le sexe et le type de famille économique, Canada, provinces et certaines régions métropolitaines de recensement (RMR) (consulté le 28 septembre 2016).

17  Gouvernement du Canada, Vers une stratégie de réduction de la pauvreté, document de travail, octobre 2016, p. 4.

18  Ibid., p. 19.

19  Agence du revenu du Canada, Allocation canadienne pour enfants – Comment calculons-nous votre ACE.

20  Gouvernement du Canada, Vers une stratégie de réduction de la pauvreté, document de travail, octobre 2016, p. 25.

21  Ibid., p. 26.

22  Ibid.

23  L’Île-du-Prince-Édouard avait mis en place un plan social de lutte contre la pauvreté sur trois ans, qui a expiré en 2015. Aucune annonce n’a été faite jusqu’ici quant à un éventuel renouvellement ou à l’adoption d’un nouveau plan de réduction de la pauvreté. Le Canada sans pauvreté, Profils de la pauvreté 2016.

24  Gouvernement de la Saskatchewan, Taking Action on Poverty: The Saskatchewan Povety Reduction Strategy, février 2016, p. 8.

25  Gouvernement de l’Ontario, Consultations sur le Projet pilote portant sur le revenu de base (consulté le 20 février 2017).

26  Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard, Motion no 83 : Universal Basic Income (consulté le 20 février 2017).

27  Réseau mondial pour le revenu de base, Québec : Ministre de l’emploi invité à travailler sur le revenu de base, 4 février 2016 (consulté le 30 janvier 2017).